Prix de l’énergie, dommages collatéraux de la guerre en Ukraine
Pétrole, gaz, électricité… les cours des matières énergétiques flambent, au fur et à mesure que la guerre en Ukraine s’envenime.
Pétrole au plus haut depuis 10 ans
Ce mercredi 2 mars, le Brent a dépassé, pour la première fois depuis 2014, les 110 €/b, soutenu par la guerre en Ukraine et les craintes pesant sur l’approvisionnement mondial. Pour rappel, la Russie est le troisième producteur mondial de pétrole et le deuxième des grands exportateurs. Cette flambée de l’or noir n’est pas prête de s’arrêter : malgré les demandes répétées des nations grandes consommatrices de pétrole, l’OPEP + annonce maintenir une augmentation limitée de sa production pour avril.
Le gaz monte en flèche
Alors que le gaz avait recouvré une certaine stabilité, voire adopté une tendance baissière ces dernières semaines, les cours sont repartis à la hausse dès le début de l’offensive russe en Ukraine. Le marché répercute les inquiétudes liées à l’approvisionnement : actuellement, les importations russes couvrent entre 40 et 45 % des consommations en gaz naturel européennes.
Le Cal-23 gaz s’affiche aux alentours de 79 €/MWh, soit quasi + 30 €/MWh depuis le 1er février.
Emportée par la crise gazière, l’électricité enchaine les séances haussières. Le Cal-23 électricité a atteint 209,69 €/MWh le 24 février. Après avoir corrigé à la baisse vendredi 25 février, le Cal-23 électricité repart à la hausse pour grimper à 198 €/MWh ce mercredi.
La sécurité énergétique de l’Europe au cœur des discussions à Bruxelles
Lundi 28 février, les ministres de l’énergie de l’Union européenne se sont retrouvés en urgence pour discuter de la sécurité énergétique en Europe. Leurs appréhensions ne portent pas particulièrement sur la situation à court terme. « À court terme, l’analyse de la Commission a montré qu’il n’y a aucun risque pour la sécurité de notre approvisionnement énergétique dans l’UE », a déclaré Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique. « Nous estimons actuellement que l’UE peut passer cet hiver en toute sécurité. Pour l’instant, les flux de gaz d’est en ouest se poursuivent, les livraisons de GNL à l’UE ont considérablement augmenté et les prévisions météorologiques sont favorables. ».
En revanche, c’est l’hiver 2022/2023 qui pourrait être soumis à de fortes tensions. « Les États membres et la Commission vont intensifier leur coordination pour renforcer notre capacité d’importation de GNL par exemple » a ainsi annoncé Barbara Pompili.
« Nous devrons utiliser nos terminaux du mieux que nous pouvons, nous devons remplir ces terminaux, nous devons augmenter nos stocks. Et nous devons avoir plus d’échanges avec les pays producteurs exportateurs. » a-t-elle encore ajouté.
Le GNL pour remplacer le gaz russe : vœux pieux ou réalité à court terme ?
Mais l’Europe a-t-elle les moyens de se couper du gaz russe dès cette année ? La question divise. Le centre de réflexion Bruegel a présenté trois scénarios, dans une publication du 28 février.
Dans le scénario 1, les importations de gaz sont nulles. Les analystes estiment que les stocks ne pourraient pas être suffisamment remplis avant l’hiver prochain, même en cas d’importations non russes records. Seule solution : l’Europe devrait réduire sa demande d’au moins 400 TWh (soit 10 % à 15 % de la demande annuelle).
Le scénario 2 repose sur des importations russes limitées. Les gazoducs Nord Stream 1 et Turkstream fonctionneraient (à hauteur de 60 TWh/mois). En revanche, le transit ukrainien, Yamal et les flux vers les Balkans seraient arrêtés. Grand gagnant, « Gazprom gagnerait beaucoup d’argent grâce aux prix élevés et garderait le contrôle de l’approvisionnement en gaz de l’UE ». L’issue ne serait pas aussi avantageuse pour l’Europe, qui « souffrirait toujours d’un marché du gaz très volatil. »
Dans le scénario 3, les exportations russes vers le marché de l’UE ressemblent sensiblement à celles de 2021. Des exportations que les analystes considèrent « comme à peu près égales aux obligations contractuelles à long terme de Gazprom. » Ce scénario permettrait aux stocks d’être facilement réapprovisionnés et entraînerait une baisse des prix. Mais il ne peut se concrétiser qu’en l’absence de « sanctions énergétiques de part et d’autre ». Rien de moins sûr.
Les pays européens en recherche d’alternative
Face au scénario du pire, les membres de l’UE s’activent pour diversifier leurs approvisionnements en énergie. Varsovie a relancé la construction d’un gazoduc sous-marin entre la Norvège et la Pologne. L’Italie a validé la possibilité de rouvrir ses centrales à charbon et étudie une hausse des importations de gaz algérien. L’Allemagne débloque une enveloppe exceptionnelle de 1,5 milliard d’euros pour acheter « dans les plus brefs délais » du gaz naturel liquéfié (GNL). Des discussions sont également en cours concernant la prolongation de centrales nucléaires, alors que Berlin visait une sortie complète du nucléaire en 2022.
En France, certes, la dépendance au gaz russe est moins source de tensions : le pays dépend en 1er lieu de la Norvège, la Russie n’arrive qu’en seconde place (17 % des importations en gaz naturel). En outre, « La France a une grande façade maritime qui lui permet d’importer du gaz liquéfié » comme l’a rappelé à France Culture Patrice Geoffron, professeur d’économie à l’Université Paris-Dauphine. Mais à quel prix acheter ce GNL ? Pourra-t-on se montrer plus attractif que l’Asie ?
Autre interrogation, Paris mise sur un recours accru à l’électricité : un objectif tenable compte tenu des annonces d’EDF qui a abaissé sa production pour 2022 comme pour 2023 ?