
Le rapport annuel de la CRE met en lumière un tournant décisif pour les marchés de gros de l’électricité et du gaz en 2024. Marquée par un recul des prix et une intensification de la surveillance, cette année consacre le retour à une forme de stabilité, sans pour autant effacer toutes les tensions héritées de la crise énergétique de 2022-2023.
Une surveillance renforcée pour un marché en mutation
La Commission de Régulation de l’Energie a publié son rapport annuel de surveillance des marchés de gros de l’électricité et du gaz naturel pour 2024. Ce document a pour double objectif de rendre compte de l’activité de surveillance de l’institution et d’éclairer les dynamiques à l’œuvre dans les marchés énergétiques.
L’année 2024 s’inscrit dans la continuité d’une période de transformation, amorcée avec la crise énergétique des années 2022-2023. Elle se distingue par une hausse notable du volume de transactions surveillées, avec plus de 15 millions d’opérations enregistrées (+31 % par rapport à 2023), pour un total de 3 704 TWh échangés (+36 %) et une valeur cumulée de 181 milliards d’euros (-14 %).
Cette dynamique est en partie liée à la fin du mécanisme ARENH, qui renforce le rôle des marchés de gros, à l’arrivée de nouveaux acteurs, et à l’extension du champ d’application de REMIT aux instruments financiers. En réponse à ces évolutions, la CRE a adapté son organisation interne, amélioré ses outils d’alerte et renforcé ses analyses.
« Depuis 2022, le volume quotidien de données de marché reçues par la CRE a été multiplié par dix », souligne le rapport. À fin 2024, les services de la CRE comptabilisent une cinquantaine de cas en cours d’analyse, neuf enquêtes en cours d’investigation et deux procédures de sanction en instruction devant le CoRDiS, dont l’une a déjà abouti à une décision début 2025.
Des marchés en voie de stabilisation malgré des incertitudes résiduelles
Après deux années de fortes turbulences, les marchés de gros de l’énergie montrent des signes de normalisation. Les prix du gaz naturel ont reculé en moyenne sur l’année 2024, bien qu’ils restent supérieurs aux niveaux d’avant-crise. « Les prix français demeurent parmi les plus bas en Europe », relève la CRE. Toutefois, des tensions ponctuelles sur l’approvisionnement hivernal témoignent d’un certain degré de fragilité.
Parallèlement, la consommation française de gaz continue de décroître (-5,5 %, à 361 TWh), tandis que la production de biométhane injecté dans le réseau progresse nettement (+26 %, à 11,8 TWh), représentant désormais 3,2 % de la consommation nationale.
2014 -2019 | 2022 | 2023 | 2024 | |
Prix moyen au PEG pour livraison le mois suivant (M+1) | 18 €/MWh | 113 €/MWh | 40 €/MWh | 34 €/MWh |
Prix moyen pour livraison l’année suivante (CAL+1) | 20 €/MWh | 107 €/MWh | 51 €/MWh | 36 €/MWh |
Côté électricité, les prix à terme et les prix journaliers ont connu une nette baisse. En France, cette tendance s’explique notamment par une amélioration significative de l’offre, marquée par le retour de la production nucléaire à son niveau d’avant-crise (362 TWh), une excellente hydraulicité (75 TWh) et une production thermique fossile historiquement basse (20 TWh). Résultat : un record d’exportations nettes avec un solde de 89 TWh, faisant de la France un exportateur net sur l’ensemble de ses frontières. « La variabilité horaire des prix s’est toutefois accentuée, avec un record de 352 heures à prix négatifs en 2024 », précise la CRE. Cette hausse de la variabilité reflète la complexité croissante des équilibres sur le marché de l’électricité.
2024-2019 | 2022 | 2023 | 2024 | |
Prix moyen « day ahead » | 48 €/MWh | 276 €/MWh | 97 €/MWh | 58 €/MWh |
Prix moyen pour livraison en base l’année suivante (CAL+1) | 42 €/MWh | 369 €/MWh | 163 €/MWh | 77 €/MWh |
Enfin, les fondamentaux favorables de 2024 semblent se prolonger en 2025, avec une poursuite de la détente sur les prix et un équilibre offre-demande toujours plus robuste.
Titulaire d’un Master II en journalisme, Giovanni DJOSSOU a œuvré en tant que journaliste de presse écrite dans différents journaux et magazines pendant plus d’une décennie.
Spécialisé dans le secteur de l’énergie depuis 2023, il a la charge de la rédaction d’articles, de la conduite d’interviews ainsi que de la création de programmes pour Opéra Energie.