Décarbonation : la France à la croisée des chemins
Après une année 2023 marquée par une nette baisse des émissions de gaz à effet de serre, la France, voit son élan climatique ralentir en 2024.
Un ralentissement préoccupant après une année record
L’année 2023 avait offert une embellie inattendue : une baisse spectaculaire de 5,8 % des émissions de gaz à effet de serre, portée par la remise en service des centrales nucléaires françaises et des prix de l’énergie incitant à la sobriété. Mais cette performance, bien que remarquable, restait insuffisante pour combler le retard accumulé par la France sur ses objectifs de décarbonation, d’autant que les forêts et les sols — importants puits de carbone — ont vu leur capacité d’absorption diminuer.
Un an plus tard, le bilan 2024 est nettement plus modeste : selon le Citepa, organisme chargé du suivi des émissions, la baisse n’est que de 1,8 %, dans une année pourtant marquée par des records de chaleur à l’échelle mondiale. L’essentiel des efforts reste concentré sur l’industrie de l’énergie, avec une réduction notable de 11,6 % des émissions. Mais les autres secteurs – transports, bâtiments, industrie lourde – peinent à suivre.
La France atteint ainsi un total provisoire de 366 millions de tonnes de CO2 équivalent pour 2024, soit bien en deçà du rythme annuel de -15 Mt CO2e nécessaire jusqu’en 2030 pour tenir les objectifs climatiques fixés par le Haut Conseil pour le climat. La situation n’est pas isolée : l’Allemagne (-3 %) et le Royaume-Uni (-4 %) connaissent eux aussi un ralentissement, tandis que les émissions stagnent aux États-Unis et continuent d’augmenter en Chine.
Des secteurs clés toujours en panne et des efforts à amplifier
La ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, admet les difficultés : « Nous sommes toujours sur la bonne trajectoire », affirme-t-elle, tout en soulignant que les secteurs des transports et du bâtiment restent les plus complexes à transformer. Elle annonce la tenue prochaine d’un conseil de planification écologique afin d’accélérer les mesures dans ces domaines.
Mais les défis restent de taille. La France doit revoir sa Stratégie nationale bas-carbone (SNBC), avec pour objectif d’atteindre 270 Mt CO2e d’émissions brutes en 2030. Pour l’instant, les estimations 2024 sont encore incomplètes, car elles n’intègrent pas les données du secteur agricole et des déchets, qui pourraient, à terme, modifier légèrement la tendance.
Alors que l’Union européenne s’apprête à relever ses objectifs climatiques, le Citepa rappelle que la France devra probablement viser des réductions encore plus ambitieuses dans les années à venir. Selon l’ONU, sans inflexion majeure, le monde se dirige vers un réchauffement de 3°C, loin des 1,5°C visés par l’accord de Paris.