En réponse aux fraudes répétées concernant le DPE, le gouvernement a lancé une série de mesures de contrôle.
Une suspension automatique sera assénée à tout diagnostiqueur dépassant les 1 000 diagnostics en 1 an.

En réponse aux fraudes répétées concernant le diagnostic de performance énergétique (DPE), outil central de la politique de rénovation énergétique, le gouvernement a lancé une série de mesures de contrôle. Mais entre reports, oppositions techniques et levée de boucliers des professionnels, la réforme peine à s’imposer.

QR Codes : une mise en œuvre laborieuse

Parmi les annonces de la ministre du Logement, l’intégration de QR codes dans les DPE pour en authentifier la validité fait figure d’arlésienne. En mars dernier, le ministère s’était engagé à rendre obligatoire, dès septembre 2025, un QR code sur chaque diagnostic, renvoyant vers le site de l’Ademe. Ce dispositif devait permettre aux usagers de vérifier l’authenticité du document.

Mais dès juin, un premier report avait repoussé la date au 1er octobre. Puis, selon plusieurs sources ayant participé à une réunion avec le ministère en juillet, la véritable échéance serait désormais fixée à fin 2025, voire début 2026. Le problème ? L’annuaire de l’Ademe, sur lequel doivent pointer les QR codes, est encore inexistant. « Nous avons alors compris qu’ils partaient de zéro et qu’ils sollicitaient notre contribution », relate un représentant d’un organisme certificateur. « Nous avons répondu que ce ne serait pas prêt pour le 1er octobre. Ils ont alors admis qu’ils visaient plutôt fin décembre, et plus probablement début 2026 ».

Officiellement, le cabinet de la ministre nie tout report et maintient l’échéance de l’automne. Mais les organismes certificateurs ont d’ores et déjà été invités à préparer les diagnostiqueurs à un nouveau décalage.

Affichage différé de la note : un débat sous tension

Autre levier antifraude contesté : le blocage temporaire de l’affichage de la note énergétique (de A à G) dans les logiciels de DPE. Objectif : empêcher les propriétaires d’influencer les diagnostiqueurs pour obtenir une meilleure note. La mesure doit entrer en vigueur en décembre.

Mais cette décision fait l’unanimité contre elle chez les éditeurs de logiciels et les professionnels du diagnostic. Ces derniers dénoncent une mesure techniquement complexe, peu adaptée aux pratiques de terrain, et difficile à déployer dans les délais. « Nous avons expliqué à l’administration que la proposition n’était pas tenable. Nous les avons sentis embarrassés. La ministre reste persuadée que cela va améliorer la fiabilité du DPE », confie Jean-Christophe Protais, président de la fédération Sidiane.

Des négociations sont en cours pour assouplir la mesure. « Nous avons travaillé de manière collaborative pour trouver une alternative, c’est-à-dire introduire de la souplesse dans l’affichage différé de la note. Nous avons aussi demandé plus de temps », indique Romain David, responsable du logiciel DPE chez Ithaque.

Cependant, certains acteurs du secteur craignent que ces ajustements vident la mesure de sa substance. « À ma connaissance, ils essaient de trouver un système pour détourner l’arrêté », déplore Thierry Marchand, président de la Chambre des diagnostiqueurs.

Plafond de DPE par diagnostiqueur : la fracture

Dernière mesure annoncée : la limitation du nombre de DPE qu’un diagnostiqueur peut réaliser sur une année glissante. Au-delà de 1 000 diagnostics de logements individuels ou d’appartements (soit environ 4 par jour ouvré), une suspension sera automatiquement prononcée, sauf justification valable. Cette règle, prévue pour entrer en vigueur le 1er octobre, vise à détecter d’éventuelles pratiques industrielles douteuses.

Là encore, la profession est divisée. Hassad Mouheb, président de Fed Experts, y voit « un bon garde-fou », tout en redoutant une flambée des prix du DPE. Même son de cloche de la part de Jean-Christophe Protais, pour qui « le nombre de 1 000 DPE ne paraît pas aberrant et doit être confirmé à l’usage ».

Mais pour Thierry Marchand, c’est une ligne rouge. « C’est une atteinte au droit du travail », affirme-t-il, prêt à engager une procédure judiciaire. Il anticipe un doublement des tarifs et craint une fuite des professionnels. « Les diagnostiqueurs en ont assez de toutes ces contraintes », martèle-t-il.

Cette controverse ravive une autre proposition de la ministre, bien mieux accueillie : la création d’un ordre des diagnostiqueurs pour permettre une autorégulation de la profession. Une piste qui, face à la défiance croissante, pourrait calmer les tensions.

Source : Les Echos

Giovanni Djossou, journaliste spécialisé
Giovanni Djossou Journaliste spécialisé

Titulaire d’un Master II en journalisme, Giovanni DJOSSOU a œuvré en tant que journaliste de presse écrite dans différents journaux et magazines pendant plus d’une décennie.
Spécialisé dans le secteur de l’énergie depuis 2023, il a la charge de la rédaction d’articles, de la conduite d’interviews ainsi que de la création de programmes pour Opéra Energie.