EDF : un ex PDG exprime ses doutes sur la relance nucléaire
Selon le média spécialisé Montel, les avis divergent au sein de l’industrie nucléaire française sur les chances qu’a le secteur de retrouver sa splendeur.
Les défis d’une renaissance nucléaire
Henri Proglio, qui a dirigé EDF de 2009 à 2014, a exprimé, dans un entretien accordé à Montel, ses réserves sur la capacité de la France à engager la relance du secteur nucléaire. Il pointe le manque de capitaux, de compétences, de designs appropriés. Il rappelle aussi que cela implique une augmentation des besoins en électricité qui n’est pas au rendez-vous.
A contrario, Pierre Gadonneix, prédécesseur de Proglio à la tête d’EDF de 2004 à 2009, offre une vision plus optimiste. Il estime qu’une politique forte en faveur du nucléaire pourrait permettre de relever le défi.
L’engagement politique en question
Le président Emmanuel Macron a affirmé en 2022 son intention de construire jusqu’à 14 réacteurs de type EPR d’ici à 2050, amorçant ainsi un renouveau nucléaire. Henri Proglio reste sceptique quant à la concrétisation de ces projets dans les délais prévus.
« Il y aura peut-être une première pierre en 2027 mais pas un premier béton », prédit M. Proglio. « Ce sera symbolique. Parce que tout de suite après, le successeur [de M. Macron] se demandera si la France en a besoin et combien cela coûte. » explique-t-il encore à Montel.
Plus largement, l’ancien PDG déplore la fluctuation des positions politiques sur le nucléaire au cours des 15 dernières années.
Le secteur du nucléaire en manque de talents
Le secteur est confronté à un challenge de taille : celui de séduire et recruter 100 000 nouveaux talents d’ici à l’année 2035. Cette cible ambitieuse, établie par le Groupement des industriels français de l’énergie nucléaire (Gifen) en 2023, souligne la nécessité d’attirer une main-d’œuvre qualifiée pour soutenir l’industrie.
Henri Proglio avoue douter fortement de l’attrait du secteur nucléaire pour les jeunes ingénieurs. En comparaison avec les secteurs de la finance et de l’industrie privée, où les rémunérations sont généralement plus élevées, le nucléaire n’offrirait pas suffisamment de perspectives pour les aspirants ingénieurs.
De son côté, Pierre Gadonneix veut croire en une dynamique plus positive, suggérant que, tout comme l’aéronautique a su revaloriser ses salaires, le nucléaire pourrait suivre le même chemin pour devenir compétitif et attirant.
Leur divergence d’opinions concerne aussi les prévisions de la demande énergétique. RTE, le gestionnaire du réseau électrique français, anticipe une croissance de la consommation électrique, qui passerait de 460 TWh actuels à 615 TWh en 2035, stimulée notamment par l’électrification des usages dans les secteurs domestiques et industriels. Henri Proglio affiche une nouvelle fois son scepticisme et remet en question cette hypothèse d’une demande croissante en énergie, et par extension, la vision d’une grande réindustrialisation prochaine.