le Conseil constitutionnel a débouté l’Etat dans sa tentative de modification rétroactive des contrats de complément de rémunération des producteurs.
Ce verdict ouvre potentiellement la voie à de nombreuses contestations des producteurs concernant les montants versés à EDF Obligation d'Achat (EDF OA).

Le vendredi 24 janvier, le Conseil constitutionnel a débouté l’Etat dans sa tentative de modification rétroactive des contrats de complément de rémunération des producteurs.

Une procédure jugée illégale

Le Conseil constitutionnel a récemment infligé un revers à l’État en faveur des professionnels du secteur éolien et solaire concernant les contrats les liant aux autorités publiques. Cette décision met en lumière une somme considérable que l’État pourrait être amené à restituer aux producteurs d’énergie renouvelable. En effet, selon une délibération de la CRE, l’État pourrait devoir rendre jusqu’à 1,84 milliard d’euros. Cette somme correspond aux recettes générées par la modification rétroactive de ces contrats, une mesure qui avait permis à l’État d’engranger près de 2 milliards d’euros entre 2022 et 2023.

Le Conseil constitutionnel a jugé illégale cette modification rétroactive des contrats de complément de rémunération passés entre l’État et les producteurs d’énergie renouvelable. Toutefois, la mise en application de cette censure est reportée au 31 décembre afin de permettre au législateur de prendre en compte les implications budgétaires de cette décision. Le gouvernement, dans la loi de finances 2024, avait déjà tenté d’échapper à une première décision similaire rendue en 2023. Cependant, cette nouvelle censure met un coup d’arrêt à cette stratégie de contournement.

La voie ouverte à de nombreuses contestations de producteurs

Le cœur du problème repose sur la rétroactivité des modifications apportées aux contrats de rémunération complémentaire. Ces contrats ont été mis en place pour protéger les producteurs d’énergie verte contre les fluctuations des prix du marché de l’électricité. Ainsi, lorsque les prix de l’électricité sur les marchés de gros sont inférieurs aux prix cibles définis par ces contrats, les producteurs perçoivent une subvention de l’État. En revanche, si les prix sont plus élevés, ils bénéficient de la différence. Ce mécanisme fonctionnait normalement jusqu’à la crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine. La flambée des prix qui en a résulté a entraîné des bénéfices exceptionnels pour les producteurs d’énergie renouvelable.

L’État avait donc décidé d’imposer un plafonnement des profits pour corriger ces effets d’aubaine durant la période 2022-2023, une démarche reconnue comme poursuivant un « objectif d’intérêt général » par le Conseil constitutionnel. Cependant, la censure intervient car cette mesure prive les producteurs d’électricité des bénéfices qu’ils auraient normalement perçus, et ce, jusqu’à l’expiration de leurs contrats. De plus, l’État n’a pas différencié les gains exceptionnels dus à la crise énergétique des gains découlant de l’évolution naturelle et tendancielle des prix de l’électricité.

Cette atteinte au droit des contrats est jugée disproportionnée par le Conseil constitutionnel, ce qui ouvre potentiellement la voie à de nombreuses contestations des producteurs concernant les montants versés à EDF Obligation d’Achat (EDF OA), organisme chargé de gérer ces compléments de rémunération pour le compte de l’État.

Trouver d’autres mécanismes pour financer cette perte

L’analyse de la CRE indique que le déplafonnement des primes versées par les producteurs au budget national a rapporté 1,7 milliard d’euros en 2022 (dont près de 938 millions provenant de l’éolien) et seulement 132 millions en 2023, soit un total de 1,837 milliard d’euros. Toutefois, sans la baisse des prix de gros de l’électricité observée en 2023 et sans la résiliation de certains contrats devenus moins avantageux pour les producteurs, les recettes de l’État auraient pu être encore plus élevées. En effet, les prévisions de la CRE en 2023 estimaient ces recettes entre 2 et 3,3 milliards d’euros, voire jusqu’à 4,5 milliards fin 2022.

Reste maintenant à savoir si l’État acceptera de rembourser tout ou partie de ces sommes aux producteurs d’énergie renouvelable. Cette hypothèse semble peu probable compte tenu du contexte budgétaire actuel. Dans ce cadre, le ministère de l’Économie et des Finances a annoncé qu’il prenait acte de la décision du Conseil constitutionnel et qu’il étudiait des solutions pour ajuster le dispositif en vue d’une intégration future dans une législation adaptée. L’enjeu est désormais de trouver d’autres mécanismes pour compenser cette perte de recettes et éviter un nouveau coup dur pour les finances publiques.

Giovanni Djossou, journaliste spécialisé
Giovanni Djossou
Journaliste spécialisé

Titulaire d’un Master II en journalisme, Giovanni DJOSSOU a œuvré en tant que journaliste pigiste, en presse écrite, auprès de différents journaux et magazines.
Intéressé par les questions liées à l’énergie, il a la charge de la rédaction d’articles et de brèves pour Opéra Energie.