En plein débat sur la stratégie énergétique française, le gouvernement lance une mission d’évaluation du coût et de l’efficacité des aides publiques aux énergies renouvelables. Objectif : repenser un modèle jugé trop coûteux dans un contexte budgétaire serré et de tensions politiques croissantes autour du mix énergétique.
Trouver un modèle « plus efficace, plus soutenable »
Le Premier ministre a annoncé mercredi le lancement d’une mission destinée à évaluer le coût des énergies renouvelables pour les finances publiques, un sujet devenu hautement sensible dans le débat énergétique national. Confiée à Jean-Bernard Lévy, ancien PDG d’EDF, et à Thierry Tuot, conseiller d’État, elle devra remettre ses conclusions sous trois mois. Selon Matignon, elle visera à proposer « un modèle de soutien plus efficace, plus soutenable et mieux partagé entre acteurs publics et privés ».
Cette initiative s’inscrit dans la continuité des déclarations d’octobre de Sébastien Lecornu sur « la manière dont l’argent public est employé » pour financer les renouvelables. Le débat s’est durci ces derniers mois, donnant lieu à des affrontements entre parlementaires pro-renouvelables et pro-nucléaires. Un moratoire sur les nouvelles capacités éoliennes et solaires avait même été voté à l’Assemblée, avant d’être rapidement abandonné.
Les professionnels du secteur accueillent la mission avec prudence : ils reconnaissent la nécessité de corriger certaines « rentes », mais s’étonnent que le nucléaire soit exclu de l’analyse. « Son coût est celui qui par définition est le plus important », souligne Daniel Bour (Enerplan). Le président du SER, Jules Nyssen, y voit même une « provocation », rappelant ironiquement que le chantier du réacteur EPR de Flamanville, « conduit en grande partie » sous la direction de M. Lévy, constitue « un bon exemple » en matière de coûts.
Pour Bastien Cucq (Réseau Action Climat), si l’étude est menée sérieusement, elle confirmera que les retombées positives des renouvelables « dépassent largement leurs coûts », notamment en réduisant la dépendance aux importations fossiles.
8,2 milliards d’euros pour 2026 ?
Le cœur du problème réside dans les mécanismes actuels de soutien, qui garantissent aux producteurs éoliens et solaires un prix de vente fixe. Un système qui a permis l’essor des filières, mais qui devient difficilement tenable lorsque la demande électrique se contracte. Dans ces périodes, les installations renouvelables peuvent générer des surplus d’électricité entraînant des prix négatifs sur le marché : l’État doit alors compenser au producteur la différence entre le prix de marché et le prix garanti. Ces dispositifs représentent désormais un engagement financier majeur, évalué à 8,2 milliards d’euros dans le projet de budget 2026, rappelle Matignon. Une source gouvernementale évoque « une volonté de remettre les choses à plat », après plusieurs années de montée en charge de ces soutiens.
La mission devra également proposer des solutions pour accroître la flexibilité et le stockage, notamment via des batteries, afin de mieux intégrer des filières intrinsèquement intermittentes. Jean-Bernard Lévy apportera son expertise d’industriel du secteur, tandis que Thierry Tuot mettra à profit son expérience d’ancien directeur général de la Commission de régulation de l’énergie.
En parallèle, le gouvernement avance sur d’autres chantiers : mesures pour faire baisser les prix de l’électricité, accélération de l’électrification, et consultations avec les parlementaires pour finaliser la stratégie énergétique PPE3, attendue depuis deux ans. Matignon promet une décision « courant décembre ». Marine Le Pen, très critique des renouvelables, a de son côté réclamé « une mesure forte » sur les prix lors d’un échange avec Sébastien Lecornu.
Source : AFP
Titulaire d’un Master II en journalisme, Giovanni DJOSSOU a œuvré en tant que journaliste de presse écrite dans différents journaux et magazines pendant plus d’une décennie.
Spécialisé dans le secteur de l’énergie depuis 2023, il a la charge de la rédaction d’articles, de la conduite d’interviews ainsi que de la création de programmes pour Opéra Energie.