Entretien avec Pierre-Emmanuel Martin, Président Fondateur de CARBON
Bonjour Pierre-Emmanuel Martin. Vous êtes Président Fondateur de CARBON, start up industrielle qui porte un projet de gigafactory de panneaux solaires. De quoi s’agit-il exactement ?
CARBON a pour ambition de construire la première gigafactory française de panneaux photovoltaïques à dimension européenne. Nous visons une capacité de production de 5 GW de cellules et modules photovoltaïques dès 2025, puis 20 GW à partir de 2030.
CARBON se différencie aussi par sa volonté, forte, affichée et inhérente au projet, de maitriser toute la chaine de valeur pour, à terme, la relocaliser en France et en Europe.
Qu’entendez-vous par l’intégration de la chaine de valeur ?
CARBON comprendra une usine de croissance de lingots de silicium, des installations de découpe de plaquettes de silicium (wafers), de nombreuses salles blanches pour la fabrication des cellules, ainsi que des ateliers d’assemblage de modules et des entrepôts logistiques sur près de 60 hectares d’installations industrielles.
Et CARBON travaille aussi à intégrer l’amont de la filière, en sécurisant ses approvisionnements en polysilicium, dont nous garantirons la traçabilité et la faible teneur en carbone.
Nous sommes sûrs que seules des démarches de ce type peuvent assurer à la fois la souveraineté énergétique de l’Europe et l’atteinte de nos objectifs climatiques.
Vous évoquez un enjeu de souveraineté énergétique. Est-ce à la lumière des événements de la guerre en Ukraine ?
Pas seulement, ce constat je l’ai dressé de longue date, en tant qu’acteur des énergies renouvelables depuis près de 30 ans.
Le conflit russo-ukrainien a fait prendre conscience aux populations et aux politiques du risque de dépendance énergétique.
Aujourd’hui, l’Europe multiplie ainsi les initiatives pour se détacher du pétrole et du gaz russes. Mais elle reste dépendante en matière de production solaire puisqu’elle importe de Chine 80 % de ses panneaux !
Alors que le marché européen est le 2ème marché mondial en termes de puissance photovoltaïque installée, pas une seule entreprise européenne ne fait partie des 10 principaux fabricants mondiaux de panneaux solaires ! 8 sont chinois en revanche.
Avec CARBON, nous faisons le pari d’intégrer ce top 10 d’ici 10 ans et nous agissons pour ne pas passer d’une dépendance à une autre.
Vous pensez que la France et l’Europe sont enfin prêtes à accueillir et soutenir ce type de projet ?
En Europe, c’est certain, les voyants sont au vert, le Plan REPowerEU vise d’ailleurs à doubler la capacité solaire photovoltaïque d’ici 2025. Cependant, cela implique une politique de réindustrialisation forte et volontariste.
Les chiffres sont éloquents : en 2021, la Chine représentait plus de 75% de la production mondiale de panneaux solaires. Elle contrôle aussi la production mondiale de polysilicium, de plaquettes de silicium cristallin et de de cellules de silicium cristallin.
Avec CARBON nous souhaitons remettre en cause une telle main mise, qui pèse sur notre futur énergétique.
Carbon sera donc le révélateur d’une nouvelle position française et même européenne ?
Exactement. Nous allons recréer une filière solaire européenne compétitive, intégrée de l’amont à l’aval.
C’est pourquoi CARBON entend se structurer en plusieurs divisions ayant chacune leurs lignes de produits et leur marque. CARBON WAFERS sera dédiée à la production de wafers (plaquettes de silicium) ; CARBON CELLS à la production des cellules et CARBON MODULES à l’assemblage des panneaux photovoltaïques.
Nous allons également investir massivement en Recherche & Développement : c’est essentiel dans un secteur où les progrès techniques vont très vite, notamment lorsque l’on sait que les entreprises chinoises du solaire consacrent 3 à 5 % de leur chiffre d’affaires à la R&D.
Enfin, nous allons répondre à la problématique des qualifications en créant l’Académie du Solaire, un lieu unique qui nous permettra d’attirer et de former les talents. Nous nous attendons à recruter plus de 3500 salariés dont 80 % d’ouvriers, d’opérateurs et de techniciens pour la seule première gigafactory, l’enjeu de la formation est donc de taille. À terme, si nous arrivons à développer plusieurs gigafactories à horizon 2030 pour atteindre les 20 GW de capacité, nous aurons créé plus de 10 000 emplois industriels en France.