La filière éolienne en mer marque le pas en Europe, malgré ses promesses pour la transition énergétique et les emplois.
Fin 2024, l’Europe totalisait 37 GW d’éolien en mer, loin derrière les 250 GW terrestres.

Entre incertitudes politiques, surcoûts industriels et arbitrages énergétiques, la filière éolienne en mer marque le pas en Europe. Malgré ses promesses pour la transition énergétique et les emplois, son avenir immédiat semble suspendu à des décisions étatiques attendues mais encore timides.

Absence de cap politique

François Bayrou et quatre ministres se sont rendus à Saint-Nazaire, ce lundi 26 mai, à l’occasion du comité interministériel de la mer. Les attentes étaient fortes du côté des pêcheurs, industriels et partisans de l’énergie éolienne en mer. Pourtant, les annonces sont restées modestes : simple lancement d’études pour un projet à La Réunion, relance de l’Observatoire national de l’éolien en mer et amélioration de l’usage de la taxe éolienne.

Une situation qui préoccupe localement. Matthias Tavel, député LFI de Loire-Atlantique, alerte sur la « pérennité» incertaine de l’usine de nacelles de General Electric à Montoir-de-Bretagne, où 360 postes doivent être supprimés. Le site, vital pour la filière, attend des clarifications sur les futurs appels d’offres. « Il y a urgence à sortir du flou concernant les appels d’offres à venir pour les futurs parcs», martèle-t-il.

Le débat se cristallise autour de la nouvelle Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui structure les futurs appels d’offres pour les parcs en mer. À l’Assemblée nationale, l’opposition entre partisans des énergies renouvelables et défenseurs du nucléaire est manifeste, chacun voulant sa part du financement public pour remplacer pétrole et gaz. Pour Marc Ferracci, ministre de l’Industrie et de l’Énergie, il s’agit d’assurer « des emplois industriels pour nos territoires». Mais François Bayrou rappelle aussi le défi de l’« acceptabilité» sociale. Le recours à l’éolien flottant, plus discret mais aussi plus coûteux, s’impose alors que les populations locales demandent un éloignement accru des côtes.

Les CfD face au désengagement des industriels

Ces incertitudes ne sont pas qu’un cas français. Plusieurs poids lourds européens de l’énergie éolienne en mer ont annoncé des reculs stratégiques. EDF se recentre sur ses projets déjà remportés, comme l’a indiqué fin avril son nouveau PDG, Bernard Fontana. En mai, le danois Orsted a purement annulé Hornsea 4, un méga-projet britannique. Les raisons ? « La combinaison de l’augmentation des coûts de la chaîne d’approvisionnement, de la hausse des taux d’intérêt et de l’augmentation du risque d’exécution». Résultat : une chute de 35 % en Bourse sur un an.

Même tendance chez l’allemand RWE, qui va réduire de 10 milliards d’euros ses investissements d’ici 2030. Illustration concrète : son retrait de l’appel d’offres pour le parc d’Oléron, comme EDF et d’autres. Pierre Peysson, directeur France éolien offshore chez RWE et président de la commission dédiée au Syndicat des énergies renouvelables (SER), pointe une hausse de 30 % des prix d’approvisionnement en trois ans. Le tarif de 100 €/MWh pour Oléron, non révisé malgré l’éloignement, devient économiquement dissuasif.

La filière, très dépendante des appels d’offres cycliques, demande plus de stabilité. Craig Windram, PDG d’Ocean Winds, plaide pour « des décisions politiques dans les mois qui viennent en France, au Royaume-Uni et en Allemagne», afin d’atteindre les 10 GW de nouveaux projets annuels souhaités par WindEurope. Fin 2024, l’Europe totalisait 37 GW d’éolien en mer, loin derrière les 250 GW terrestres. Techniquement, des réformes sont également attendues. Le SER propose de renforcer le poids de la note de robustesse dans l’évaluation des appels d’offres – aujourd’hui marginale face au critère du prix. Une domination du bas prix qui favorise EDF et Ocean Winds, au détriment d’une diversité d’acteurs. Le modèle des CfD (contracts for difference), qui garantit un revenu fixe à l’exploitant, fait consensus. Il sécurise l’investissement, malgré l’évolution des marchés.

Comme le note Jules Nyssen, président du SER, « ce système de complément de rémunération rend le marché français plus résilient que d’autres». Il inspire désormais les Pays-Bas et revient en force en Allemagne. Le Danemark, lui, a débloqué 3,7 milliards d’euros pour relancer la filière, après l’échec d’un appel d’offres sans candidats. Une mobilisation nécessaire dans ce pays, où l’éolien offshore est un pilier industriel, incarné par Vestas.

Source : Les Echos

Giovanni Djossou, journaliste spécialisé
Giovanni Djossou Journaliste spécialisé

Titulaire d’un Master II en journalisme, Giovanni DJOSSOU a œuvré en tant que journaliste de presse écrite dans différents journaux et magazines pendant plus d’une décennie.
Spécialisé dans le secteur de l’énergie depuis 2023, il a la charge de la rédaction d’articles, de la conduite d’interviews ainsi que de la création de programmes pour Opéra Energie.