La programmation énergétique de la France entre enfin dans l’hémicycle. La place du nucléaire reste le point d'achoppement.
Le PPE3 vise à faire baisser la part des énergies fossiles de 60 % en 2023 à 30 % en 2035.

Après des mois d’attente et de tensions politiques, la programmation énergétique de la France entre enfin dans l’hémicycle. Si l’objectif est clair — tracer la voie vers la neutralité carbone — les choix de moyens, notamment autour du nucléaire, divisent profondément.

Une feuille de route contestée

« Enfin ! » C’est par ce mot que les débats ont commencé lundi en commission des Affaires économiques à l’Assemblée nationale sur la feuille de route énergétique de la France, censée fixer les objectifs du pays jusqu’en 2035. Ce texte, porté initialement par le sénateur LR Daniel Gremillet et adopté par le Sénat à l’automne, comble une lacune réglementaire laissée par l’absence de loi de programmation énergétique, pourtant exigée par la loi énergie-climat de 2019.

« Nous commençons aujourd’hui un débat pour combler une lacune gouvernementale », a déclaré le rapporteur du texte Antoine Armand, ancien ministre. Le gouvernement avait d’abord envisagé un décret pour fixer cette stratégie sans passer par le Parlement, mais a été contraint de faire marche arrière fin avril, face à la menace d’une motion de censure portée par l’opposition.

Le projet de décret sur la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) — couvrant la période 2025-2035 — vise à faire baisser la part des énergies fossiles de 60 % en 2023 à 30 % en 2035. Il prévoit également une rupture majeure : relancer le nucléaire avec la construction de six nouveaux réacteurs EPR2, tout en poursuivant le déploiement des énergies renouvelables, notamment l’éolien en mer.

Une vision énergétique polarisée autour du nucléaire

Le gouvernement, par la voix du Premier ministre François Bayrou, a tenté d’apaiser les tensions en affirmant début mai que la PPE « n’est pas écrite à l’avance » et en promettant aux parlementaires qu’ils seraient « écoutés attentivement ». Il a défendu un équilibre fondé sur une « orientation de base pro-nucléaire » et un « soutien raisonné aux énergies renouvelables ».

La proposition de loi reprend largement ces orientations : elle fixe à 14 le nombre de réacteurs EPR2 à construire d’ici 2050 et maintient la part du nucléaire au-dessus de 60 % dans la production d’électricité à horizon 2030.

Mais ces choix sont loin de faire consensus. Là où certains soutiennent vigoureusement l’énergie nucléaire et souhaite réduire le poids des énergies solaire et éolienne, d’autres dénoncent une stratégie déséquilibrée. L’ancienne ministre écologiste Dominique Voynet a fustigé « la foi irrationnelle dans le recours au nucléaire ». Elle a pointé les « douze ans de retard » et les « 20 milliards d’euros de coût » du réacteur de Flamanville.

Les débats techniques ont aussi révélé d’autres fractures : la commission a voté contre l’avis du rapporteur des amendements du groupe LFI visant à rétablir le statut d’établissement public pour EDF et à revenir aux tarifs réglementés de vente de gaz. Un autre amendement a conduit à la suppression de l’article 2 du texte, pourtant clé pour le verdissement fiscal, relatif à la taxe carbone. Le député écologiste Charles Fournier a défendu cet instrument, affirmant : « La fiscalité carbone est un des leviers pour sortir de notre dépendance aux énergies fossiles », appuyé par Philippe Bolo (MoDem), pour qui « se priver de cet outil, ce serait ignorer le coût de l’inaction qui pèsera sur nos enfants ».

Alors que 417 amendements restent à examiner, les discussions doivent reprendre mardi à 17h00. Le marathon parlementaire ne fait que commencer.

Source : AFP

Giovanni Djossou, journaliste spécialisé
Giovanni Djossou Journaliste spécialisé

Titulaire d’un Master II en journalisme, Giovanni DJOSSOU a œuvré en tant que journaliste de presse écrite dans différents journaux et magazines pendant plus d’une décennie.
Spécialisé dans le secteur de l’énergie depuis 2023, il a la charge de la rédaction d’articles, de la conduite d’interviews ainsi que de la création de programmes pour Opéra Energie.