Gaz : les stocks européens dans le rouge
Des réserves de gaz au plus bas en Europe à la fin de l’hiver 2024-2025
À l’issue de l’hiver 2024-2025, les réserves de gaz dans l’Union européenne atteignent un niveau historiquement bas. Au 16 mars, elles n’étaient remplies qu’à 34 %, contre 60 % à la même période en 2024, selon les données de la Commission européenne.
Cette situation suscite des interrogations, d’autant plus que ces stocks jouent un rôle clé dans la sécurité énergétique du continent, couvrant environ 30 % de la consommation hivernale de gaz de l’UE, rappelle Bruxelles. Cependant, le Conseil européen se veut rassurant : « Il reste une marge suffisante pour répondre aux besoins jusqu’à la fin de la saison froide ».
Un hiver rigoureux et une faible production d’énergies renouvelables
Plusieurs facteurs expliquent cette diminution des réserves. D’une part, la consommation de gaz a augmenté en raison de températures plus basses que les années précédentes. D’autre part, le recours au gaz pour la production d’électricité a été renforcé par un ralentissement de la production éolienne et solaire, notamment en Allemagne et en France.
Par ailleurs, les importations de gaz russe ont encore diminué, conséquence de l’arrêt du transit via l’Ukraine depuis la fin de 2024. Bien que cette source ne représentait plus que 5 % du volume consommé en Europe, son absence a contribué à la tension sur le marché.
Face à cette hausse de la demande, les opérateurs auraient pu intensifier leurs importations. Pourtant, ils ont choisi de puiser dans les stocks, en raison de la flambée des prix du gaz observée depuis fin 2024.
Des prix en hausse et une tension persistante sur le marché
La tendance ne semble pas prête à s’inverser. Alors qu’en 2024, le prix moyen du gaz était redescendu à 34 euros par mégawattheure (MWh) sur les marchés de gros, il devrait avoisiner les 45 euros cette année. Un niveau près de deux fois supérieur à celui d’avant 2022, lorsque la crise énergétique s’est déclenchée à la suite de l’invasion russe en Ukraine.
Toutefois, selon le gestionnaire du réseau de transport de gaz français, NaTran, une détente des prix est attendue à l’horizon 2028, avec un retour autour de 27 euros par MWh, grâce à une augmentation de l’offre.
Une course au remplissage des stocks
Quoi qu’il en soit, l’UE devra reconstituer ses réserves avant l’hiver prochain. Depuis le début de la guerre en Ukraine, Bruxelles impose un objectif de remplissage à 90 % d’ici le 1er novembre (ou, au plus tard, le 1er décembre), avec des seuils intermédiaires à respecter.
Or, le niveau actuel des stocks étant particulièrement bas, il faudra sécuriser des volumes de gaz plus importants, ce qui accentuera la demande européenne sur les marchés mondiaux du GNL (gaz naturel liquéfié), avertit l’Agence internationale de l’énergie (AIE).
Depuis 2022, l’UE s’est largement tournée vers le GNL pour compenser la réduction des importations russes. Cependant, cette alternative reste coûteuse et très prisée à l’échelle mondiale. La situation pourrait encore se complexifier en raison de la politique énergétique américaine sous la présidence de Donald Trump. Une réduction des exportations de GNL des États-Unis vers l’Europe, au profit du marché domestique, accentuerait encore la pression sur l’approvisionnement, estime l’économiste Jacques Percebois, interrogé par La Tribune.
Vers une prolongation des obligations de stockage ?
Selon l’AIE, la production mondiale de GNL devrait progresser de 5 % en 2025, après une hausse de 1,5 % en 2024. Une augmentation qui ne suffira toutefois qu’en partie à compenser l’arrêt du transit du gaz russe via l’Ukraine. L’agence prévient donc que le marché du gaz restera sous tension cette année.
L’Europe ne pourra pas se reposer uniquement sur cette hausse de l’offre. Elle devra aussi renforcer ses efforts en matière de sobriété énergétique, diversifier ses sources d’approvisionnement et améliorer la flexibilité de ses réseaux électriques, encore largement dépendants des centrales à gaz.
Dans ce contexte incertain, l’UE envisage de prolonger les règles imposant un taux de remplissage minimal des stocks de gaz. Adopté en juin 2022, ce dispositif doit normalement expirer fin 2025. Toutefois, début mars, la Commission européenne a proposé de l’étendre de deux années supplémentaires.
« Le stockage de gaz a joué un rôle clé en protégeant les citoyens européens des risques de pénurie. Il est donc essentiel de maintenir cet outil », a justifié Dan Jørgensen, commissaire à l’énergie et au logement.
Cette proposition sera prochainement examinée par le Parlement européen et le Conseil européen, qui devront décider de son adoption ou non.