L’industrie de l’acier malmenée par le climat et la guerre
A travers l’Europe, les projets dans l’industrie de l’acier sont remis en cause, voire abandonnés du fait de la transition énergétique et de la guerre en Ukraine.
Grande-Bretagne, Italie : la sidérurgie en péril
En novembre dernier, la nouvelle avait fait grand bruit tant sa dimension symbolique était forte : le tout puissant groupe de l’acier Tata Steel – issu de la fusion du géant indien Tata Group et du britannique British Steel – annonçait la fermeture de ses deux hauts fourneaux de Port Talbot (Pays-de-Galles), remplacés par deux arcs électriques qui doivent être opérationnels en 2025. La décision devrait entrainer la suppression de quelque 2 800 emplois.
En réalité, cet événement, aussi retentissant fût-il, n’était qu’un exemple d’une tendance forte sur tout le vieux continent : la mise en péril de l’industrie de l’acier. Alors qu’elle était au cœur de la révolution industrielle du XIXe siècle, la sidérurgie est à la peine en 2024.
En Italie, la pérennité de la sidérurgie est menacée après que le gouvernement a repris à ArcelorMittal le contrôle des vieux hauts fourneaux du sud du pays, dans l’espoir de trouver des repreneurs. « En Grande-Bretagne comme en Italie, il s’agit d’usines qui ont été très mal entretenues dans le passé et très coûteuses à rénover », analyse Marcel Genet, expert en sidérurgie et fondateur de la société Laplace Conseil. Selon lui, il faudrait « entre 1,5 et 2 milliards d’euros » pour moderniser Port Talbot en rénovant les laminoirs en aval « en piteux état », et pratiquement autant pour l’évolution des hauts fourneaux italiens à des standards climatiques acceptables.
9 milliards d’euros pour financer la décarbonation de la sidérurgie
Avec le ciment, l’aluminium, les engrais et la pétrochimie, l’acier est l’une des industries qui contribue le plus fortement au réchauffement climatique. Ce métal est responsable de près de 8% des émissions mondiales de CO2 en raison de l’utilisation du charbon : chaque tonne d’acier produite dans un haut-fourneau traditionnel émet près de 2 tonnes de CO2.
L’UE évalue à 9 milliards d’euros, les montants nécessaires pour décarboner l’industrie sidérurgique. Le processus est en marche puisque des aides ont d’ores et déjà été attribuées aux allemands ThyssenKrupp, Saltzgitter et Dilligen ; à l’autrichien Voestalpine et à ArcelorMittal en France, Espagne et Belgique, pour faire évoluer ses procédés. L’objectif étant d’abandonner le charbon tout en continuant à produire en Europe.
Dans un premier temps, ils parient sur des fours à arc électrique qui fondent et recyclent des ferrailles. Ensuite, sur des fours dits à réduction directe (DRI) qui désoxydent et fondent le minerai de fer avec du gaz, puis avec de l’hydrogène lorsque les capacités d’électrolyse le permettront. Mais, la hausse des coûts de l’énergie et le niveau record des taux d’intérêt rendent difficile le financement de cet ambitieux projet dont les montants sont colossaux.
Par ailleurs, des projets de construction de cinq usines d’acier vert en Scandinavie, France et Espagne sont en cours d’élaboration. « Hybrit, H2 Green Steel, et Blastr en Suède et Norvège, Gravithy à Fos-sur-Mer en France, et Hydnum en Castille en Espagne sont des unités nouvelles qui vont renouveler la totalité du procédé de fabrication de l’acier avec des fours électriques, une coulée continue et un laminage à chaud », souligne M. Genet.
Le poids de la guerre russo-ukrainienne
Le climat n’est pas le seul caillou dans la chaussure de la sidérurgie. La guerre en Ukraine La guerre en Ukraine, démarrée il y a deux ans, joue aussi un rôle imprévu dans la restructuration du secteur. Le pays a perdu le contrôle opérationnel de deux aciéries, « les usines Azovstal et Ilych, qui avaient produit au total environ 8,6 millions de tonnes d’acier brut en 2021 », a indiqué le PDG du groupe sidérurgique ukrainien Metinvest, Yuriy Ryzhenkov, dans une interview au quotidien Les Echos, en décembre.
Or il a besoin d’acier pour remplacer les rails de chemin de fer endommagés, fabriquer des armes ou des obus. Metinvest, dont le siège est à Donetsk, a signé un protocole d’accord mi-janvier en Italie pour relancer l’aciérie de Piombino (centre). Son PDG a aussi déclaré au Corriere della Sera qu’il pourrait étudier une « opportunité à Tarente », où le gouvernement cherche des investisseurs après la sortie d’ArcelorMittal.
Source : AFP