Alors que la France peine historiquement à transformer l’excellence de sa recherche en succès industriels, les Instituts pour la transition énergétique (ITE) ont précisément été conçus pour combler ce fossé.
Les ITE pour accélérer le transfert technologique vers des applications industrielles concrètes
Dans une tribune publiée dans les Echos datant du 11 décembre, Gérard Creuzet et Roch Drozdowski-Strehl, dirigeants de l’Institut Photovoltaïque d’Île-de-France (IPVF), mettent en garde contre un abandon des ITE au nom de l’urgence budgétaire. Les deux hommes établissent le constat que la France est reconnue pour la qualité de sa recherche fondamentale, est régulièrement saluée sur la scène internationale, sans pour autant que cette excellence ne se traduise par l’émergence de champions industriels capables de valoriser ces découvertes sous forme de produits innovants. Pour eux, l’une des causes majeures réside dans le cloisonnement persistant entre les mondes académique et industriel. D’autres pays ont su dépasser cet écueil depuis longtemps. Le Japon ou Singapour, par exemple, ont développé des instituts intégrés réunissant l’ensemble des acteurs, de l’amont à l’aval, jusqu’à des niveaux de maturité technologique élevés (TRL) permettant d’envisager une production en série à horizon de trois à cinq ans.
Ils précisent que la France a commencé à rattraper ce retard il y a un peu plus d’une décennie avec la création des Instituts pour la transition énergétique (ITE) et des Instituts de recherche technologique (IRT), dans le cadre des investissements d’avenir, aujourd’hui regroupés sous le programme France 2030. Ces structures répondent à un défi que ni la recherche académique seule ni l’industrie isolée ne peuvent relever : accélérer le transfert technologique vers des applications industrielles concrètes, en organisant un continuum fluide entre recherche fondamentale, développement appliqué et préindustrialisation.
Photovoltaïque : 150 chercheurs face à la Chine
Dans le domaine du photovoltaïque, l’exemple de l’Institut Photovoltaïque d’Île-de-France (IPVF) – que dirigent Gérard Creuzet et Roch Drozdowski-Strehl – illustre la pertinence du modèle des ITE. L’institut rassemble environ 150 chercheurs spécialisés dans les technologies de rupture, en lien avec une quinzaine de laboratoires nationaux associés et de nombreuses collaborations internationales de premier plan.
Doté d’une plateforme technologique au meilleur niveau mondial, l’IPVF développe notamment des cellules tandem pérovskite/silicium. Ces innovations sont essentielles pour reconstituer une filière française et européenne du photovoltaïque, dans un secteur aujourd’hui archidominé par la Chine, et pour retrouver une véritable souveraineté industrielle.
L’action des ITE est pleinement alignée avec les besoins de long terme de la société française : urgence climatique, électrification massive des usages et impératif de réindustrialisation. Sur le plan juridique, nombre d’entre eux, dont l’IPVF, reposent sur des structures associant acteurs publics et privés à la fois dans l’actionnariat et la gouvernance. Sur le plan financier, leur efficacité tient à un puissant effet de levier : pour un euro d’investissement public, entre un et deux euros d’investissement privé sont mobilisés, apportés par les industriels partenaires et par les entreprises clientes des plateformes et compétences développées par les ITE.
Mais ce modèle ne peut fonctionner sans visibilité à moyen terme. Entreprises comme État ont besoin de stabilité pour s’engager durablement. À l’heure des arbitrages budgétaires, la tentation de sacrifier ces outils au profit d’urgences de court terme serait lourde de conséquences : « Fragiliser les instituts pour la transition énergétique serait une erreur stratégique majeure », précisent-ils.
Dans un contexte financier dégradé, réduire les moyens alloués à ces dispositifs reviendrait, une fois encore, à compromettre l’avenir industriel et technologique du pays, au détriment des générations futures.
Source : Les Echos
Titulaire d’un Master II en journalisme, Giovanni DJOSSOU a œuvré en tant que journaliste de presse écrite dans différents journaux et magazines pendant plus d’une décennie.
Spécialisé dans le secteur de l’énergie depuis 2023, il a la charge de la rédaction d’articles, de la conduite d’interviews ainsi que de la création de programmes pour Opéra Energie.