La Chine, géant des énergies renouvelables, mène à marche forcée une révolution industrielle et écologique.
Les États-Unis ferment la porte à la concurrence chinoise avec des droits de douane massifs, tandis que l’Union européenne accuse Pékin de pratiques déloyales.

De premier émetteur de gaz à effet de serre à géant incontournable des énergies renouvelables, la Chine mène à marche forcée une révolution industrielle et écologique. À travers une stratégie étatique ambitieuse, elle s’impose comme la superpuissance verte du XXIe siècle.

Une montée en puissance accélérée grâce à la planification étatique

Des déserts du Gansu aux côtes industrielles, la Chine se couvre à une vitesse record de panneaux solaires et d’éoliennes. En 2024, elle a installé 198 GW de solaire en seulement cinq mois, soit presque l’équivalent de la capacité totale des États-Unis (239 GW). À elle seule, elle concentre 55 % des nouvelles installations solaires mondiales.

Ce tournant ne s’est pas fait au hasard : il s’inscrit dans la continuité des plans quinquennaux mis en œuvre par le Parti-État. Dès 2011, avec le ‘douzième plan’, la Chine amorce un tournant en désulfurant massivement ses centrales à charbon et en développant des réseaux à ultra-haute tension pour transporter l’électricité verte. « La Chine a bâti le système d’énergies renouvelables le plus étendu (…) et la chaîne industrielle dans les nouvelles énergies la plus complète », déclarait le président Xi Jinping, le 23 avril, lors d’un sommet virtuel sur le climat. Cette transition sert aussi un objectif de justice territoriale : les provinces rurales, longtemps en marge du développement économique, deviennent des acteurs majeurs de la transition grâce à l’implantation d’usines et à l’électrification de villages isolés.

80 % Soit la part de la Chine dans la capacité de production mondiale de panneaux solaires.

1 600 milliards d’euros de PIB générés par les nouvelles technologies de la transition énergétique

Partout en Chine, des constructeurs de véhicules électriques émergent, soutenus par les autorités locales. Cependant, la concurrence y est féroce : certains groupes s’effondrent malgré les subventions, incapables de suivre la cadence imposée par les géants comme BYD ou CATL.

Dans le solaire, cette rivalité pousse à l’innovation constante, à la réduction drastique des coûts et à l’amélioration de la performance. L’Empire du Milieu détient aujourd’hui 80 % de la capacité de production mondiale de panneaux solaires, 60 % de celle des éoliennes, et 70 % du marché des batteries pour véhicules électriques. « Cela a commencé par une vision très claire du gouvernement sur la nécessité d’améliorer la situation sur le plan de l’environnement tout en en tirant les avantages économiques. Mais ensuite l’échelle, l’intégration des chaînes d’approvisionnement, l’efficacité industrielle ont engendré une baisse des coûts », analyse Li Shuo, directeur du programme Chine-climat d’Asia Society.

Au-delà des véhicules, c’est tout un écosystème industriel qui se met en place : armoires de stockage, infrastructures électriques, nucléaire, numérique. En 2024, ces nouvelles technologies ont généré 1 600 milliards d’euros de PIB, soit l’équivalent de l’économie espagnole.

12 milliards Soit les tonnes de CO2 émises par la Chine en 2024 (30 % des émissions mondiales).

Toujours le plus gros émetteur mondial de CO2

Malgré son ambition verte, la Chine reste le plus gros émetteur mondial de CO₂, avec 12 milliards de tonnes en 2024, soit 30 % des émissions planétaires. Certes, la part du charbon dans sa consommation énergétique est passée de 70 % en 2010 à 58 % aujourd’hui, mais elle brûle toujours 40 % de plus que le reste du monde réuni. « La force de traction de la transition énergétique n’est plus tant la politique que le marché », souligne Jiang Kejun, professeur à l’Université des sciences et technologies de Hongkong. Selon lui, la baisse des coûts rend les technologies vertes accessibles même aux ménages modestes.

Pour autant, cette domination industrielle inquiète les puissances occidentales. Les États-Unis ferment la porte à la concurrence chinoise avec des droits de douane massifs, tandis que l’Union européenne accuse Pékin de pratiques déloyales. Mais la Chine se défend : elle estime permettre une transition globale par la baisse des prix. « La technologie chinoise est vraiment forte maintenant. L’Europe est confrontée à ce que subissait la Chine il y a vingt ou trente ans sur les voitures thermiques. Pour promouvoir l’emploi local, il faut demander aux groupes chinois de faire des coentreprises localement, comme la Chine l’a imposé par le passé », recommande encore Jiang Kejun.

La Chine transforme sa crise environnementale et économique en opportunité stratégique. Tout en restant paradoxalement dépendante du charbon, elle trace les contours d’une nouvelle ère industrielle mondiale, où la transition énergétique devient un levier d’influence et de croissance.

Source : Le Monde

Giovanni Djossou, journaliste spécialisé
Giovanni Djossou Journaliste spécialisé

Titulaire d’un Master II en journalisme, Giovanni DJOSSOU a œuvré en tant que journaliste de presse écrite dans différents journaux et magazines pendant plus d’une décennie.
Spécialisé dans le secteur de l’énergie depuis 2023, il a la charge de la rédaction d’articles, de la conduite d’interviews ainsi que de la création de programmes pour Opéra Energie.