Alors que la Stratégie nationale bas carbone fixe un cap de -50 % d’émissions d’ici 2030, la France voit son effort de décarbonation patiner.
La France devrait réduire ses émissions de 5 % par an pour tenir sa trajectoire de -50 % d’ici à 2030 par rapport à 1990.

Alors que la Stratégie nationale bas carbone fixe un cap de -50 % d’émissions d’ici 2030, la France voit son effort de décarbonation patiner.

Des émissions en recul de seulement 0,8 % : un rythme très en dessous des objectifs

Alors que la question climatique s’efface peu à peu du débat politique, le Citepa, organisme indépendant chargé de mesurer les émissions françaises, annonce que celles-ci ont reculé de 2,5 % au deuxième trimestre 2025 après une hausse de 0,9 % au premier trimestre. Sur l’ensemble de l’année, la baisse se limiterait à 0,8 %, un chiffre jugé « très en deçà du rythme nécessaire pour atteindre les objectifs de la période 2022-2030 » selon l’institut.

La France devrait en effet réduire ses émissions de 5 % par an pour tenir sa trajectoire de -50 % d’ici à 2030 par rapport à 1990, d’après la version provisoire de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC 3). Un objectif de plus en plus hors d’atteinte, alors que les performances des années précédentes, -3,9 % en 2022 et -6,8 % en 2023, semblaient pourtant prometteuses.

Cette stagnation s’explique par la fin du rebond lié à la reprise du nucléaire et à la baisse de la production fossile. « Le recours aux énergies fossiles étant déjà très bas, il devrait se stabiliser sans permettre le gain observé dans le passé », analyse le Citepa. En clair, le principal levier de réduction s’est épuisé, et c’est désormais sur les secteurs plus complexes bâtiment, transport et agriculture, que doit porter l’effort.

« La diminution de l’activité [industrielle] explique davantage la baisse des émissions que la décarbonation des processus industriels »

Des secteurs clés en panne de décarbonation : industrie, transport et agriculture sous pression

Dans l’industrie, la baisse prévue de 2,2 % en 2025 (contre -1,4 % en 2024) s’explique moins par une mutation technologique que par une activité en repli continu. « La diminution de l’activité explique davantage la baisse des émissions que la décarbonation des processus industriels », souligne le Citepa. Le gel du projet d’acier décarboné d’ArcelorMittal à Dunkerque, représentant à lui seul un quart des émissions industrielles françaises, illustre ce ralentissement. Malgré l’annonce d’un investissement de 1,2 milliard d’euros en mai 2025 pour un nouveau four électrique, sa concrétisation se fait attendre.

+5,4 % Soit la hausse des émissions de gaz à effet de serre dans le bâtiment (tertiaire et résidentiel), au premier trimestre 2025.

Le secteur du bâtiment, lui, reste à la peine. Les émissions du résidentiel et du tertiaire ont augmenté de 5,4 % au premier trimestre 2025, avant de se stabiliser. Un hiver rigoureux et les dysfonctionnements du programme MaPrimeRénov’ ont freiné les rénovations énergétiques.

Quant au transport, premier émetteur national avec près d’un tiers des émissions, il poursuit une baisse trop lente : -1,3 % au premier semestre 2025, après -2,5 % l’année précédente. Si la consommation de diesel chute de 4 %, celle d’essence progresse de 7 %, annulant l’effet bénéfique global.

Enfin, l’agriculture voit ses émissions se stabiliser, mais pour de mauvaises raisons : les émissions liées à l’élevage reculent, tandis que celles provenant des engrais minéraux et azotés bondissent de près de 6 % au premier semestre. Selon le Citepa, les livraisons d’engrais minéraux devraient grimper de 13,6 % en 2025 et celles d’engrais azotés de 10 %, entraînant une hausse du protoxyde d’azote, un gaz à effet de serre redoutable.

Ces chiffres, encore provisoires, confirment une tendance lourde : sans accélération majeure de la transition dans les secteurs les plus émetteurs, la France risque de rater de plusieurs années sa trajectoire climatique. Comme le rappelle le Citepa, « les efforts doivent désormais se concentrer sur les secteurs structurellement difficiles à transformer ».

Source : Les Echos

Giovanni Djossou, journaliste spécialisé
Giovanni Djossou Journaliste spécialisé

Titulaire d’un Master II en journalisme, Giovanni DJOSSOU a œuvré en tant que journaliste de presse écrite dans différents journaux et magazines pendant plus d’une décennie.
Spécialisé dans le secteur de l’énergie depuis 2023, il a la charge de la rédaction d’articles, de la conduite d’interviews ainsi que de la création de programmes pour Opéra Energie.