Marché électricité : l’UNIDEN demande une réforme en profondeur
Face à la crise des prix de l’énergie, la Commission européenne a acté qu’une réforme du marché européen de l’électricité était nécessaire. Une consultation publique a ainsi été ouverte pour recueillir les avis et idées de l’ensemble des parties prenantes, entreprises, opérateurs mais aussi ONG. Bruxelles présentera son projet de réforme le 14 mars prochain.
En attendant, les acteurs se mobilisent et font part de leurs attentes.
C’est ainsi que l’UNIDEN a rendu publique sa réponse à la consultation.
Les industriels français refusent une réforme de surface
Les adhérents de l’UNIDEN représentent environ 70% de la consommation énergétique industrielle en France. Ils sont présents dans l’énergie, l’aluminium, l’acier et les autres métaux, les matériaux de construction, le raffinage et la chimie, le verre, le papier, l’automobile, les batteries, les semi-conducteurs, les transports et l’agro-alimentaire.
Sans surprise, ces industriels énergo-intensifs ont été fortement impactés par la crise énergétique, et ce à divers niveaux. L’UNIDEN tire l’alarme au sujet de deux conséquences majeures qui assombrissent l’horizon économique de l’industrie tricolore : une perte de compétitivité pour tous les secteurs et un coup d’arrêt porté à la décarbonation des entreprises.
La compétitivité globale de l’industrie française fortement dégradée
La hausse des prix de l’électricité et du gaz naturel s’est notamment révélée incompatible avec une « production compétitive », en témoigne les « réductions importantes de production » pour les industriels qui n’étaient pas en mesure de répercuter la hausse de leurs coûts énergétiques dans leurs prix de vente.
Le sidérurgiste Arcelormittal, les verriers Arc et Duralex mais aussi Cofigeo (maison-mère de William Saurin)… la baisse voire l’arrêt des lignes de production de ces fleurons de l’industrie française ont fait les gros titres.
Mais bien d’autres entreprises ont, elles aussi, dû ralentir sinon stopper leur production.
En 2022, il n’a pas été non plus question d’investir dans de nouveaux équipements : la trésorerie des entreprises a servi à absorber la « hausse des besoins en fonds de roulement ». A cela, s’est ajoutée une flambée des prix des matières premières, alors qu’elles avaient déjà été impactées par la crise sanitaire.
Un contexte inflationniste dont les Français commencent à entrapercevoir les répercussions. A titre d’exemple, le secteur agro-alimentaire demande à la grande distribution de répercuter l’envolée de leurs couts de production. La majoration s’élèverait à 20 %.
« On peut être impressionné par le niveau des hausses demandées, mais chacune d’entre elles est avérée, et elles sont tout sauf délirantes ! » a expliqué à l’AFP, ce mercredi, Jean-Philippe André, président de la principale organisation patronale de l’agroalimentaire français, l’ANIA. « Les matières premières sont plus chères que l’an dernier et nous avons acheté l’énergie aux tarifs actuels pour toute l’année. Nous sommes encore dans des cycles de hausses, qui n’ont pas été répercutées » dans les prix des produits vendus aux supermarchés, a-t-il encore précisé.
Plus largement, l’UNIDEN pointe une forte dégradation de la compétitivité globale de l’Europe par rapport à d’autres régions du monde et notamment l’Asie et les États-Unis « qui risque d’orienter les investissements industriels des prochaines années hors d’Europe. »
Une « réindustrialisation verte » à l’arrêt : quid de l’IRA ?
L’industrie français a souffert d’une absence de visibilité sur les prix de l’énergie, ce qui s’est traduit par un fort ralentissement des projets d’investissement, notamment ceux liés à la décarbonation. Ces derniers ont aussi pâti de la baisse des capacités d’investissement des entreprises tandis que leurs coûts n’ont cessé d’augmenter, rendant les projets de décarbonation « difficilement accessibles ».
Or, cette situation va à l’encontre de la « réindustrialisation verte » portée par Bercy et, plus largement, par l’Europe. Pourtant, c’est bien cette réindustrialisation verte qui est brandie comme une réponse à l’l’Inflation Reduction Act, qui fait craindre des délocalisations en masse.
La réforme du marché de l’électricité doit changer la donne
Face à la crise énergétique sans précédent que nous vivons, l’organisation du marché de l’électricité européen a montré ses limites. Bruxelles en pris acte et a annoncé dès la fin de l’été 2022 une réforme à venir.
Mais selon l’UNIDEN, les orientations de la Commission Européennes sont quasi-exclusivement tournés vers la rémunération des producteurs d’électricité. Pire, Bruxelles ferait « pratiquement intégralement l’impasse sur les besoins des consommateurs, en particulier industriels énergo-intensifs qui sont les fondements de l’industrie et de l’économie européenne. »
Face à cela, l’organisation française des consommateurs intensifs de gaz naturel et d’électricité défend deux positions.
Massifier une production d’électricité compétitive et bas carbone
L’Europe doit s’atteler à soutenir une offre de fourniture d’électricité qui allie compétitivité et ambition environnementale. L’UNIDEN fournit plusieurs pistes de réflexion.
En premier lieu, développer des contrats long-terme (10 ans et plus) entre électro-intensifs et producteurs. Ces contrats seraient portés, en termes de responsabilité comme de visibilité, par les deux types d’acteurs. Ils assureraient une sécurisation des revenus des producteurs. Mais ils garantiraient également un accès direct des consommateurs concernés aux coûts de production et aux quantités produites en contrepartie d’un partage sur le long-terme, dans des limites bien circonscrites, de certains risques industriels. « Ces contrats long-terme pourraient être couplés à un soutien à l’investissement direct ou indirect (par leur raccordement) dans des outils de production, qu’il s’agisse d’actifs renouvelables de grande capacité, du renouvellement de tranches nucléaires ou de nouvelles tranches nucléaires »
En second lieu, l’UNIDEN demande un déploiement des contrats pour différence (CfD), à condition que le prix de référence soit fixé par un mécanisme de régulation (« aux fins d’un bon contrôle des coûts ») ou par appel d’offres. Cela permettra d’assurer un revenu aux producteurs d’électricité tout en garantissant un coût pour la collectivité minimal (« notamment en limitant les risques et donc en diminuant les coûts du financement » estime l’organisation). « Ces CfD seraient ouverts, pour les consommateurs industriels en général, en priorité aux installations qui ont besoin d’une forte visibilité et qui font face à des coûts d’investissement importants. »
Enfin, l’UNIDEN souhaiterait la mise en place d’un « marché du dispatching ». Ce marché de gros permettrait « aux installations de production et de consommation flexibles de valoriser cette flexibilité et aux producteurs sous contrat long-terme ou CfD de valoriser leurs disponibilités marginales ». Le coût de l’équilibrage court-terme comme « la mobilisation de l’ensemble des actifs, de production ou de consommation, concernés. » seraient ainsi optimisés.
Des offres de fourniture en fonction des typologies de consommateurs
L’UNIDEN appelle à repenser la construction des offres de fourniture. Elle devrait permettre aux consommateurs d’avoir accès à ces « différents outils » en « fonction de caractéristiques objectives », que cela soit en direct ou par l’intermédiaire des fournisseurs.
Les consommateurs résidentiels bénéficieraient des tarifs, régulés et/ou construits par empilement des coûts des CfD et du marché de gros. Ces tarifs pourraient aussi s’appliquer aux petites et moyennes entreprises, du secteur tertiaire essentiellement, pour lesquelles « l’électricité représente en général une part négligeable de leur coût de revient ».
Les petits industriels pourraient avoir accès aux CfD en grande majorité et, selon leurs profils, au marché de gros pour valoriser certaines typologies de production, lorsque le coût de l’électricité est un des facteurs de compétitivité.
Les industriels électro-intensifs pourraient avoir accès à un mix entre contrats long terme, CfD et marché de gros : « l’objectif étant de maintenir ces activités, très sensibles au coût de l’électricité, particulièrement exposées à la concurrence internationale et absolument essentielles car en amont de chaînes de valeur européennes stratégiques. »
Il s’agirait aussi de développer « des contrats long-terme très compétitifs au plan mondial » pour les hyper-électro-intensifs. L’UNIDEN souhaite aussi leur offrir la possibilité « pour le haut de leur courbe de consommation, de s’appuyer sur la flexibilité de leurs procédés afin d’optimiser encore leur mix d’approvisionnement ».
Enfin, les industriels énergo-intensifs ayant des projets de décarbonation directe ou indirecte devraient bénéficier de contrats long-terme assis sur des moyens de production décarbonés à un prix permettant leur décarbonation ou la compétitivité de leurs produits pour la décarbonation, sous réserve de démontrer la pertinence de leurs projets.