Si le débat public se concentre sur le coût du nucléaire et des énergies renouvelables, un autre chantier, moins visible mais bien plus stratégique, s’impose : la modernisation massive des réseaux électriques, dont la facture dépasse largement celle des nouveaux moyens de production.
Plus de 200 milliards d’euros pour moderniser les réseaux français
En matière d’énergie, certains sujets captent la lumière tandis que d’autres, pourtant fondamentaux, restent dans l’ombre. La rénovation du parc nucléaire et la montée en puissance des énergies renouvelables concentrent l’essentiel de l’attention médiatique et des débats politiques, comme l’ont prouvé les échanges récurrents concernant le moratoire sur les EnR ou encore la construction à venir de la nouvelle génération de centrales (EPR2). Mais ces enjeux masquent une réalité plus structurelle : celle d’un investissement colossal à engager dans les réseaux électriques.
Selon les projections, les six futurs EPR d’EDF devraient représenter près de 70 milliards d’euros. Une somme impressionnante, mais finalement modeste comparée aux dépenses nécessaires pour moderniser les infrastructures d’acheminement de l’électricité.
RTE, gestionnaire des lignes à haute tension, prévoit ainsi 100 milliards d’euros d’investissements sur 15 ans, avec une accélération notable : de 2 milliards d’euros par an aujourd’hui à 4 milliards en 2027, puis 8 milliards à long terme. De son côté, Enedis, responsable du réseau de distribution, projette également environ 100 milliards d’euros d’ici 2040.
Cette dynamique n’est pas propre à la France : à l’échelle européenne, la transformation des réseaux de distribution exigera 1 200 milliards d’euros dans les 15 prochaines années. Autrement dit, le véritable coût de la transition électrique se joue autant dans les câbles que dans les centrales.
Un réseau plus dense et plus flexible
Si les investissements explosent, c’est d’abord pour entretenir des infrastructures vieillissantes, mais aussi pour les adapter à une transformation profonde du système énergétique. La France passe d’un modèle centralisé, basé sur quelques sites de production majeurs, à une production multipolaire, constituée d’une atomicité de petits sites renouvelables. Cette mutation impose de créer une nouvelle « capillarité » dans les réseaux, capables de collecter une énergie géographiquement éparse.
Dans le même temps, la stratégie nationale vise à accélérer l’électrification des usages : chauffage, mobilité, industrie, data centers… Cette évolution entraîne une reconfiguration complète de la cartographie des réseaux pour orienter la puissance là où les besoins émergent.
Enfin, l’intermittence des renouvelables modifie les équilibres : pour assurer la stabilité du système, il devient crucial de pouvoir faire circuler rapidement l’électricité entre les régions, car « les zones qui produisent à un instant T ne sont pas nécessairement celles qui consomment au même moment » selon Les Echos. Cela suppose des infrastructures plus robustes, plus maillées et plus intelligentes.
Ces transformations ont un prix, et ce prix commence désormais à apparaître sur la facture collective : la transition énergétique n’est pas seulement une affaire de production, mais aussi et surtout une affaire de réseau.
Source : Les Echos
Titulaire d’un Master II en journalisme, Giovanni DJOSSOU a œuvré en tant que journaliste de presse écrite dans différents journaux et magazines pendant plus d’une décennie.
Spécialisé dans le secteur de l’énergie depuis 2023, il a la charge de la rédaction d’articles, de la conduite d’interviews ainsi que de la création de programmes pour Opéra Energie.