Dix ans après l’Accord de Paris, le gouvernement dévoile une version actualisée de sa Stratégie nationale bas carbone. Objectif inchangé mais toujours plus exigeant : atteindre la neutralité carbone en 2050, en misant sur l’électrification massive des usages, la transformation des transports, de l’agriculture et de l’industrie, et la fin programmée du pétrole et du gaz.
Une ambition maintenue
Publié vendredi, le projet de troisième Stratégie nationale bas carbone (SNBC-3) intervient exactement dix ans après la signature de l’Accord de Paris, traité fondateur de la lutte internationale contre le réchauffement climatique. Depuis, la France affirme rester fidèle à l’objectif de sortie progressive des activités et des énergies les plus émettrices de gaz à effet de serre.
« Au terme de ces dix ans, nous pouvons être fiers du chemin parcouru », écrit le président de la République Emmanuel Macron dans une tribune publiée sur le site Projet Syndicate, mettant en avant « la réussite de notre écologie à la française, qui combine progrès et protection, qui permet de réduire nos émissions et le chômage à la fois ».
Mais cette ambition s’inscrit désormais dans un contexte international plus incertain. Les négociations climatiques récentes, notamment lors de la COP30 à Belém, au Brésil, ont illustré l’affaiblissement du consensus mondial. Les États-Unis, premier producteur mondial de pétrole, continuent de miser sur les hydrocarbures. Par ailleurs, plusieurs grands pays émergents refusent toujours d’inscrire explicitement la sortie des énergies fossiles parmi les objectifs internationaux.
Sur le plan national, la neutralité carbone suscite aussi des résistances. Les transformations des modes de vie qu’elle implique — moins de viande, de carburants fossiles, de vols aériens, ou un changement des modes de chauffage — restent impopulaires auprès d’une partie de l’opinion, régulièrement dénoncées comme une « écologie punitive ».
55 % d’électricité en 2050, sortie du pétrole en 2040-2045
Le gouvernement insiste toutefois sur le fait que la SNBC-3 ne vise pas à imposer des changements de mode de vie, mais à activer des leviers technologiques déjà disponibles. « Attention, cette stratégie n’est pas une façon de dicter des changements de mode de vie, elle met l’accent sur les leviers dont nous disposons déjà : déployer davantage les pompes à chaleur, promouvoir les véhicules électriques… », explique la ministre de la Transition écologique, Monique Barbut, dans Les Échos. Son cabinet précise : « Ce n’est pas une transition écologique de centres-villes, où on mange du soja et on fait du vélo. C’est une transition écologique avec véhicules électriques pour tout le monde ».
Parmi les jalons les plus marquants figurent la « sortie du pétrole entre 2040 et 2045 » et la « fin du gaz fossile en 2050 ». La réduction de la dépendance aux hydrocarbures importés doit s’appuyer sur une électrification massive de l’économie. La part de l’électricité dans la consommation énergétique finale devrait ainsi passer de 37 % en 2023 à 55 % en 2050. « Avec une électricité décarbonée abondante, nous sommes dans une situation très favorable pour agir, pour le climat, mais aussi pour notre compétitivité, notre indépendance énergétique et notre prospérité », souligne Benoît Leguet, directeur de l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE).
Les transports constituent un autre pilier central : le gouvernement vise 15 % de voitures électriques en circulation dès 2030. À l’horizon 2050, seuls les vols intérieurs continueraient à émettre du CO₂, tandis que les marchandises seraient transportées par des camions électriques, des trains et des péniches. L’agriculture est également appelée à évoluer, avec des recommandations allant vers « davantage de fruits, légumes et légumineuses » et une baisse de l’intensité carbone de l’élevage, notamment par le retour aux pâturages. Dans l’alimentation, l’exécutif fixe l’objectif de « réduire le gaspillage alimentaire de 50 % d’ici 2030 par rapport à 2015 ». L’industrie, enfin, devra « réindustrialiser en décarbonant la production » et réduire la demande en procédés intensifs en carbone.
Ces orientations ne convainquent pas tout le monde. Greenpeace se montre très critique : « La réalité de la trajectoire de la France laisse craindre des ambitions de façade », estime Nicolas Nace, expert énergie de l’ONG, soulignant l’écart persistant entre les objectifs affichés et les politiques effectivement mises en œuvre.
Titulaire d’un Master II en journalisme, Giovanni DJOSSOU a œuvré en tant que journaliste de presse écrite dans différents journaux et magazines pendant plus d’une décennie.
Spécialisé dans le secteur de l’énergie depuis 2023, il a la charge de la rédaction d’articles, de la conduite d’interviews ainsi que de la création de programmes pour Opéra Energie.