En l'absence de PPE3, la France navigue à vue sur sa trajectoire bas carbone. Ce retard fragilise les investissements industriels.

En l’absence de nouvelle Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE3), la France navigue à vue sur sa trajectoire bas carbone. Ce retard stratégique fragilise les investissements industriels et freine l’essor de filières comme le solaire et l’hydrogène.

Deux ans de retard et des objectifs photovoltaïques revus à la baisse

La France accuse aujourd’hui près de deux ans de retard dans la publication de sa troisième Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE3), initialement attendue pour 2023. Ce document, censé fixer les priorités énergétiques du pays pour la période 2025-2035, demeure toujours en suspens, au grand dam du monde industriel et des acteurs des énergies renouvelables. Le Syndicat des énergies renouvelables (SER) a ainsi exhorté le gouvernement à publier « sans délai » ce texte structurant, indispensable selon lui pour redonner de la visibilité aux porteurs de projets. Ce vide réglementaire se traduit par un blocage des autorisations administratives, des plans de financement et des appels d’offres à long terme.

Parmi les secteurs les plus touchés figure le solaire photovoltaïque, dont les ambitions ont été revues à la baisse dans la version la plus récente du projet. L’objectif de puissance installée pour 2035, initialement compris entre 75 et 100 GW, a été ramené à une fourchette de 65 à 90 GW. La répartition prévue — 41 % pour les toitures, 5 % pour les petites installations au sol et 54 % pour les grandes — illustre une volonté de recentrage, mais sans cadre juridique solide ni calendrier ferme.

Face à cette inertie, seize organisations professionnelles du secteur électrique ont signé un appel commun pour réclamer la publication rapide du décret PPE3, rappelant que les bases juridiques existent déjà. De leur côté, des fédérations industrielles et syndicats ont adressé une lettre ouverte aux parlementaires afin d’accélérer l’examen de ce dossier jugé stratégique pour la transition énergétique.

Hydrogène : ambitions révisées et perte de confiance industrielle

Symbole de cette incertitude, la filière hydrogène bas-carbone subit de plein fouet les conséquences du retard de la PPE3. Le gouvernement a décidé de réviser à la baisse ses ambitions, ramenant la capacité d’électrolyse visée de 6,5 GW à 4,5 GW en 2030, et de 10 GW à 8 GW en 2035. Cette révision, inscrite dans le document de consultation publique de la PPE3, traduit un réalisme contraint par des coûts encore élevés et une maturité technologique insuffisante.

Pour autant, cette inflexion suscite de vives inquiétudes. À l’échelle européenne, seuls 2 % des projets d’hydrogène annoncés seraient effectivement achevés à la date prévue, selon les industriels. En France, plusieurs projets marquent le pas : l’usine d’électrolyseurs d’Elogen est à l’arrêt faute de commandes, tandis que des territoires se désengagent de projets jugés trop incertains. Le résultat est une érosion de la confiance. Certains dirigeants parlent d’une véritable « défiance vis-à-vis des pouvoirs publics », tandis que d’autres envisagent des délocalisations d’activités vers des marchés plus stables. L’absence de cap clair sur les mécanismes de soutien et les calendriers industriels crée un sentiment d’attentisme généralisé.

En toile de fond, un débat institutionnel s’installe sur la nature juridique de la PPE3 — décret ou loi —, symbole d’une gouvernance énergétique encore floue. Comme le résume un expert de la transition énergétique : « Sans feuille de route stable, il n’y a pas de transition crédible ».

Pour renouer avec la confiance, le futur gouvernement devra non seulement trancher rapidement sur la forme juridique du texte, mais surtout rétablir une visibilité durable pour les filières stratégiques. Sans cela, la France risque de voir son ambition de décarbonation s’éloigner un peu plus.

Giovanni Djossou, journaliste spécialisé
Giovanni Djossou Journaliste spécialisé

Titulaire d’un Master II en journalisme, Giovanni DJOSSOU a œuvré en tant que journaliste de presse écrite dans différents journaux et magazines pendant plus d’une décennie.
Spécialisé dans le secteur de l’énergie depuis 2023, il a la charge de la rédaction d’articles, de la conduite d’interviews ainsi que de la création de programmes pour Opéra Energie.