Projet de loi Climat et Résilience, pour un verdissement de la commande publique
Issu des réflexions de la Convention citoyenne pour le climat, le projet de loi « portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets » est examiné en procédure accélérée depuis le 8 mars par une Commission spéciale à l’Assemblée Nationale. Il passera en séance plénière à partir du 29 mars jusqu’à début avril. Le Sénat prendra ensuite le relais. L’adoption définitive du projet de loi par le Parlement est prévue « au plus tard en septembre ».
Quels impacts pour les acteurs publics ?
Fort de 69 articles et de milliers d’amendements, ce texte a pour ambition de faire « pénétrer l’écologie au coeur du modèle français dans ce qu’il a de plus fondamental, l’école, les services publics, la justice, mais aussi le logement et l’urbanisme, la publicité et les transports », selon Barbara Pompili.
La commande publique est également concernée, traitée dans le Chapitre Verdir l’Economie dont l’article 15 amende le code de la commande publique.
La commande publique représente en effet 8 % du PIB annuel de la France, soit 200 milliards d’euros. Son poids en fait un levier important et nécessaire de la transition écologique. Or, il s’avère que l’introduction de critères environnementaux dans les achats publiques reste encore faible.
Les objectifs fixés par le Plan National d’Action pour les Achats Publics Durables (PNAAPD) ne sont ainsi pas atteints. Ce dernier avait fixé qu’à horizon 2020, 25% des marchés publics comprendraient au moins une disposition sociale et 30% au moins une clause environnementale. Or, en 2018, selon l’Observatoire économique de la commande publique (OECP), les marchés contenant une clause environnementale ne représentent que 13,6% des marchés publics passés (12,7% pour les collectivités territoriales). Ceux intégrant une clause sociale représentent 10,2% des marchés publics passés.
Prise en compte des critères environnementaux dans les clauses des marchés
Voulant accélérer le verdissement des achats publiques, le projet de Loi Climat et Résilience vient tout d’abord modifier l’article L. 2112-2 du code de la commande publique. Il rend désormais obligatoire la prise en compte des considérations environnementales dans les conditions d’exécution des marchés lors de la rédaction des clauses, via des spécifications techniques par exemple. « « Les clauses du marché prennent en compte des considérations liées aux aspects environnementaux des travaux, services ou fournitures objets du marché ».
Certains ont toutefois souligné la limite de cette modification. En effet, la suite de l’article L.2112-2 portant sur les modalités d’exécution n’a, quant à elle, pas été modifiée. Or, elle stipule que : « Les conditions d’exécution peuvent prendre en compte des considérations relatives à l’économie, à l’innovation, à l’environnement, au domaine social, à l’emploi ou à la lutte contre les discriminations ». La notion d’obligation n’a donc pas remplacé celle de « possibilité » lorsqu’il s’agit de la mise en œuvre.
Offre économiquement la plus avantageuse et critère environnemental
Le projet de loi amende également l’article L. 2152-7. L’acheteur public devra prévoir au moins un critère lié aux caractéristiques environnementales dans le choix de l’offre économiquement la plus avantageuse. « Le marché est attribué au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l’offre économiquement la plus avantageuse, sur la base d’un ou plusieurs critères dont l’un au moins prend en compte des caractéristiques environnementales de l’offre. Ces critères sont objectifs, précis et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution ».
Si cette nouvelle disposition reste en deçà de ce qu’avait souhaité la Convention citoyenne pour le climat qui défendait les « offres écologiquement les plus avantageuses« , telles que des offres prenant en compte le facteur « kilomètres« , elle marque néanmoins un pas vers le verdissement des achats publics.
Il convient de noter que les contrats de concession ne sont pas concernés par cette mesure, étant donné qu’ils recouvrent d’une part « des réalités très différentes » et que d’autre part, la majorité des concessions à fort impact environnemental « comportent d’ores et déjà, la prise en compte des enjeux environnementaux« .
Le projet de loi stipule que « les dispositions du présent article entrent en vigueur dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi ».
Une mission parlementaire diligentée pour verdir la commande publique
Preuve que la commande publique est au cœur de la stratégie de transition écologique du pays, le 23 février dernier, Jean Castex a confié à la sénatrice Nadège Havet (LREM, Finistère) et à la députée Sophie Beaudouin-Hubière (LREM, Haute-Vienne) une mission temporaire visant à rendre la commande publique plus durable et responsable au niveau social et environnemental ainsi que d’en améliorer l’accès aux PME.
« Une part des crédits du plan de relance seront déployés via la commande publique (verdissement du parc automobile, rénovation énergétique des bâtiments publics, investissement en santé, etc.), représentant un volume de 100 milliards d’euros. Il est donc essentiel que les acheteurs publics mènent une politique d’achat exemplaire » explique ainsi le Premier ministre dans un courrier adressé aux deux parlementaires, ajoutant que cette démarche est « en cohérence avec les objectifs du plan de relance en termes de relocalisation d’activités de production, de transition écologique et de cohésion sociale. »
Jean Castex souligne également que les pouvoirs publics œuvrent déjà à « faciliter l’accès de petites et moyennes entreprises (PME) à la commande publique » mais aussi à « développer l’achat responsable sur le plan social et environnemental » ainsi que « l’achat innovant ».
La loi ASAP du 7 décembre 2020 intègre ainsi des dispositions permettant de faciliter la réalisation des marchés de travaux et d’en améliorer l’accès aux PME.
« Pour consolider ces acquis et identifier comment accélérer les effets attendus de ces outils auprès de tous les acheteurs publics » afin de mettre « en place un pilotage stratégique de la commande publique », 5 axes de travail ont été identifiés :
- Proposer une méthode de suivi et de pilotage afin d’atteindre les objectifs d’achat durable et d’intégration de critères sociaux et environnementaux. Cela implique l’ensemble des acheteurs publics, les collectivités territoriales et les établissements publics y compris. Les parlementaires devront notamment examiner la possibilité de mettre en place des incitations afin d’atteindre les objectifs assignés.
- Réaliser une grille d’analyse en coûts complets des projets. Cette grille devra prendre en compte le coût budgétaire direct afférent à la commande publique, mais aussi les gains économiques et les gains indirects en matière de finances publiques pour les achats de biens et de services produits sur le territoire national, ainsi que les coûts environnementaux.
- Développer des méthodes permettant une meilleure intégration des critères sociaux et environnementaux dans les marchés publics. Par exemple, optimiser l’approche en cycle de vie des produits et services ou recourir davantage au marché de l’inclusion.
- Soutenir la diffusion des mesures mises en place et des bonnes pratiques d’achats, notamment en matière environnementale et en matière d’accès des PME à la commande publique.
- Proposer des évolutions de la commande publique qui puissent se déployer en France mais aussi en Europe, tout en garantissant la sécurité juridique des acheteurs.
Les conclusions de cette mission viendront étoffer le plan national d’actions pour les achats publics durables (PNAAPD) pour la période 2021-2025. Un rapport intermédiaire sera remis d’ici le 31 mars avant le rapport définitif attendu au 31 juillet.