Le débat sur la rénovation des colonnes montantes en copropriétés est soldé
La loi ELAN a tranché : sauf opposition explicite des copropriétés, toutes les colonnes montantes appartiendront au réseau public de distribution d’électricité. C’est donc Enedis qui aura en charge les coûts de leur entretien et rénovation. Cette disposition sera appliquée dans un délai de 2 ans à compter de la promulgation de la loi Elan, soit le 23 novembre 2020.
Depuis une dizaine d’année, la rénovation des colonnes montantes d’électricité est source de litiges entre copropriétaires, offices publics d’habitat et Enedis. Le principal gestionnaire français du réseau de distribution d’électricité refuse en effet de supporter la facture, plutôt salée, de l’entretien et du renouvellement de ces ouvrages, arguant qu’ils sont « hors concession publique ». Longtemps divisés sur le sujet, les tribunaux ont eu, ces 3 dernières années, tendance à se prononcer en faveur des propriétaires, à tel point que le flou juridique afférent ne pouvait durer.
Dans le cadre du projet de la loi ELAN, fin juillet 2018, les Sénateurs ont adopté un amendement du gouvernement permettant le transfert de toutes les colonnes montantes électriques au réseau public de distribution d’électricité. La loi ELAN a définitivement été adoptée le 16 octobre y compris l’article 55 bis AA qui met fin au contentieux.
Comme le rappelle un communiqué du médiateur de l’énergie, cet article prévoit ainsi que « sauf opposition des copropriétés, toutes les colonnes montantes appartiendront au réseau public de distribution d’électricité et ce dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi ».
« Ce transfert de propriété sera effectué automatiquement « à titre gratuit sans contrepartie » et aura pour conséquence qu’Enedis aura la charge des travaux d’entretien. Si des rénovations urgentes s’avèrent indispensables, il ne sera pas nécessaire d’attendre 2 ans : les copropriétaires des immeubles concernés pourront transférer, dès publication de la loi, la propriété des colonnes montantes par une simple notification au gestionnaire de réseau, sans qu’il puisse s’y opposer. »
Opéra Energie, le référent énergie de nombreuses copropriétés et syndics dans toute la France, retrace l’historique de la décision.
La rénovation des colonnes montantes au sein des copropriétés et immeubles : quels enjeux financiers ?
Si certains avançaient ces dernières années le chiffre de 300 000 immeubles équipés d’ouvrages présentant des risques, pour une facture travaux de l’ordre de 6 milliards d’euros, le rapport du gouvernement au Parlement paru le 17 janvier dans le cadre de la loi de transition énergétique se veut plus rassurant : « Les craintes d’un problème de sécurité généralisé, lié à la non-conformité des colonnes montantes dans les immeubles d’habitation, apparaissent donc non fondées », conclut le rapport qui avance lui le chiffre de 9 000 colonnes à rénover annuellement sur les 1 600 000 en exploitation. C’est souvent la demande d’une augmentation de puissance pour un appartement ou la pose d’un compteur supplémentaire qui révèle leur vétusté. Mais le coût est loin d’être négligeable ! Les professionnels estiment que le remplacement complet d’une colonne montante revient à 2 000 € par logement raccordé. Dans une copropriété, la facture travaux peut donc rapidement grimper et atteindre plusieurs dizaines de milliers d’euros.
Un flou juridique autour de leur statut et de la prise en charge des travaux
Et là c’est là qu’un autre débat a pris le relai. Toute la question était en effet de savoir qui devait supporter la maintenance, la rénovation et l’entretien du parc de colonnes, car un certain flou entourait leur appartenance. Etait-ce Enedis qui exploite le réseau public d’électricité, ou bien les copropriétaires ? La moitié des ouvrages a été concédée au distributeur d’électricité, l’autre partie des canalisations collectives d’électricité appartenaient aux propriétaires d’immeubles qui devaient donc en assumer les coûts financiers. Une prise en charge que les copropriétaires contestaient souvent devant les tribunaux, parfois avec succès comme lors d’une décision marquante datant de novembre 2016. La jurisprudence restait donc très divisée, et c’était bien là tout le problème… L’époque, le médiateur de l’énergie plaidait pour une présomption d’incorporation au réseau public de distribution, ce qui conduirait à une prise en charge des travaux par Enedis.
La rénovation des colonnes montantes, prise en charge à hauteur de 40 % par le Turpe
Un rapport du gouvernement proposait l’adoption d’une loi afin de clarifier certains points, notamment le droit pour les copropriétaires de demander l’intégration de leurs installations de raccordement au gestionnaire du réseau public. Dans ce cas d’un tel transfert de concession, le gouvernement proposait la prise en charge d’une partie des coûts, à hauteur de 40 % des frais de rénovation ou de remplacement.
Pour financer ce budget, il s’agissait de faire appel au Turpe, le Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Électricité, qui est une des composantes de la facture d’électricité des Français. En complément, d’autres dispositifs pouvaient être mobilisés pour venir en aide aux copropriétés les plus fragiles, notamment l’Agence nationale de l’habitat (Anah) qui pouvait continuer à financer jusqu’à 35% de la rénovation des colonnes montantes de certaines copropriétés. A noter toutefois : la partie immobilière de la colonne, c’est-à-dire le conduit ou la gaine intégré à l’immeuble, devra toujours être entretenue par les propriétaires, et donc à leurs frais.