Le secteur bancaire devrait prendre la mesure des enjeux climatiques alerte la BCE
La Banque centrale européenne (BCE) alerte à nouveau sur le fait que la plupart des grandes banques européennes n’ont pas encore aligné leur politique de crédit sur l’accord de Paris sur le climat, « ce qui les expose à des risques financiers, réputationnels et judiciaires accrus. »
Le secteur bancaire sommé de prendre ses responsabilités face aux enjeux climatiques
Signé en 2015, l’accord de Paris vise à limiter l’augmentation de la température à 1,5°C. Cependant, des études scientifiques récentes suggèrent une trajectoire de réchauffement global plutôt proche de 3°C.
Depuis plusieurs années, la BCE pousse les grandes banques, soit près de 115 établissements, à intégrer les enjeux climatiques dans leurs pratiques de prêt et d’évaluation des risques.
En novembre 2020, la BCE a ainsi émis un ensemble de recommandations destinées aux banques, les incitant à identifier et à gérer les risques climatiques et environnementaux présents dans leur gouvernance, leur stratégie et leur gestion globale des risques, en particulier ceux associés à leurs clients emprunteurs.
Une des directives précises inclut la nécessité de quantifier le montant ou le pourcentage d’actifs liés au carbone présents dans chaque portefeuille bancaire.
Chaque établissement a reçu des échéances spécifiques pour se conformer à ces recommandations, avec une obligation de réponse d’ici la fin de 2024, et ce, selon un calendrier échelonné en plusieurs étapes. Mais peu semble s’y conformer, du moins assez rapidement.
Fin 2021, la BCE les enjoint donc d’adapter « d’urgence » leur modèle d’activité face aux risques climatiques et environnementaux. Fin 2023, la BCE durcit le ton, demandant aux acteurs bancaires de « remédier à leurs lacunes avant une certaine date« , faute de quoi ils « devront payer une pénalité pour chaque jour où la lacune n’est pas résolue« .
Malgré ces appels répétés, le secteur bancaire n’aurait pas encore pris la pleine mesure des changements à apporter.
Un alignement insuffisant avec les objectifs de l’accord de Paris
Une récente analyse de la BCE sur 95 banques couvrant 75% des prêts de la zone euro révèle que les portefeuilles de crédit des banques ne sont pas alignés sur les objectifs de l’accord de Paris. Cela signifie que ces banques continuent à financer des secteurs polluants, entraînant des risques de transition élevés pour environ 90% d’entre elles, selon Frank Elderson, membre du directoire de la BCE.
Ces banques, qualifiées de « mal alignées » sur l’accord de Paris, encourent un risque de réputation accru en raison de leur insuffisante contribution à la transition vers une économie décarbonée, souligne la BCE.
Frank Elderson, membre du directoire de la BCE, indique que 70% de ces banques pourraient être confrontées à des risques de litige élevés.
Certes l’exposition des banques aux crédits à risque reste relativement faible (189 milliards d’euros, soit 5% des prêts globaux) : cependant, en s’engageant publiquement à suivre l’accord de Paris sans agir sur leurs portefeuilles de prêts, ces établissements risquent des sanctions pécuniaires.
« Parmi les banques interrogées, 13 avaient des expositions supérieures à 5 milliards d’euros chacune dans les secteurs du pétrole et du gaz, du charbon, de la production d’électricité, de l’automobile, de l’acier et du ciment qui représentent, pris ensemble, environ la moitié des émissions totales de CO2 dans la zone euro. » rappelle l’AFP
Les risques de litige et les sanctions à venir
Des sanctions pécuniaires sont déjà envisagées pour les établissements retardataires qui ne se conformeront pas aux obligations de divulgation d’informations sur le climat d’ici fin 2024.
Des exigences supplémentaires en matière de capital pourraient être imposées si les banques ne parviennent pas à intégrer les impératifs de décarbonation dans leurs opérations.
(Source AFP)