Suspension des factures de gaz et d’électricité pour les entreprises : ce que prévoient les textes d’urgence COVID 19
Lors de son allocution télévisée du 16 mars, Emmanuel Macron a annoncé la possibilité de suspendre le paiement des loyers et des factures d’eau, de gaz et d’électricité pour les entreprises rencontrant des difficultés du fait de la crise sanitaire. Depuis, différents textes d’urgence ont été pris pour préciser les conditions d’application de ce dispositif : l’Ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020 et le Décret n° 2020-378 du 31 mars 2020.
Ces textes réservent cette possibilité de suspension de paiement de factures aux très petites entreprises (TPE) affectées par la propagation de l’épidémie. Opéra Energie fait le point sur les modalités d’application de ce dispositif d’urgence.
Quelles sont les entreprises concernées ?
Les entreprises concernées sont celles qui sont susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité COVID 19 et celles qui poursuivent leur activité dans le cadre d’une procédure de sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire. Les conditions pour bénéficier de ce dispositif sont précisées dans le tableau suivant, ces conditions étant cumulatives.
Conditions | Descriptif |
Entreprise | Personne de droit privé ayant une activité économique.
Peu importe le secteur ou le type de structure juridique : personnes physiques exerçant en nom propre, autoentrepreneurs, personnes morales : sociétés, associations. En revanche, les entités publiques ne peuvent bénéficier du dispositif. |
Résidence fiscale française | La résidence fiscale de l’entreprise doit être en France. |
Début d’activité | L’entreprise doit avoir commencé son activité avant le 1er mars 2020 |
Effectif | Inférieur ou égal à 10 salariés.
L’effectif est calculé en prenant en compte la moyenne du nombre de personnes employées au cours de chacun des mois de 2019 |
Chiffre d’affaires | Inférieur à 1 million €
Il faut prendre en compte le chiffre d’affaires du dernier exercice clos. Pour les entreprises n’ayant pas encore clos d’exercice, le chiffre d’affaires mensuel moyen entre la date de création et le 29 février 2020 doit être inférieur à 833 333 euros |
Bénéfice imposable | Inférieur à 60 000 €
Sur le dernier exercice clos, augmenté des sommes versées au dirigeant. Pour les entreprises n’ayant pas encore clos d’exercice, il faut prendre en compte le bénéfice entre la date de création et le 29 février 2020 ramené sur 12 mois |
Filiale/groupe | L’entreprise ne doit pas être filiale d’une société commerciale. Pour les groupes de sociétés, on apprécie les seuils ci-dessus au niveau du groupe. |
Perte d’activité liée au COVID 19 | 1/ L’entreprise a fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public en mars 2020
2/Perte de chiffre d’affaires de plus de 50% en mars 2020 par rapport à mars 2019 Pour les entreprises créées après le 1er mars 2019, prise en compte du chiffre d’affaires mensuel moyen entre la date de création et le 29 février 2020. Pour les personnes physiques ayant bénéficié d’un congé maladie, maternité en mars 2019, prise en compte du chiffre d’affaires mensuel moyen entre le 1er avril et le 29 février 2020 |
Les dispositifs d’urgence : interdiction de coupure et report des factures
Pour les entreprises remplissant les critères du tableau ci-dessus, l’ordonnance n°2020-316 a prévu les dispositifs suivants :
- Interdiction de couper l’alimentation pour non-paiement des factures :
Les fournisseurs d’électricité et de gaz naturel ne peuvent procéder à la suspension, interruption ou réduction de la fourniture pour non-paiement des factures. Les fournisseurs d’électricité ne peuvent réduire les puissances d’alimentation.
- Droit de demander le report de paiement des factures
Les entreprises concernées peuvent demander le report des factures exigibles entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. Il s’agit d’une suspension et non d’une annulation des factures.
L’ordonnance prévoit que le rééchelonnement des factures est réparti de manière égale sur au moins 6 mois à compter du dernier jour du mois suivant la date de fin d’urgence sanitaire. Ainsi, par exemple, si l’état d’urgence sanitaire se termine le 20 mai, le fournisseur devra à minima reporter le paiement sur les 6 échéances mensuelles à compter du 1er juillet. Le report ne peut donner lieu à aucune pénalité ou frais de retard. Notons que, dans un souci de préserver les petits fournisseurs, cette obligation d’accepter le report de paiement des factures ne concernent que les fournisseurs de gaz et d’électricité comptant plus de 100 000 clients (EDF, ENGIE, TOTAL Direct Energie, ENI..) et les entreprises locales de distribution (GEG, UEM, Electricité de Strasbourg, Gaz de Bordeaux…)
Modalités pour obtenir le report des factures
Chaque entreprise concernée qui souhaite obtenir le report doit faire une demande à son fournisseur d’électricité ou de gaz naturel. Les fournisseurs concernés se sont organisés pour traiter ce type de demande.
Le Décret n°2020-378 prévoit que la demande doit être accompagnée :
- D’une attestation sur l’honneur du respect des conditions d’application (voir tableau ci-dessus §1)
- De l’accusé-réception de leur demande d’éligibilité au fonds de solidarité.
Pour les entreprises qui ne remplissent pas les critères énoncés ci-dessus et qui feraient face à des difficultés de trésorerie liées à la crise sanitaire, nous conseillons de prendre contact sans attendre avec leur fournisseur. En effet, certains d’entre eux ont élargi les critères pour bénéficier du report des factures ; c’est le cas de Total Direct Energie qui a remonté le seuil de chiffre d’affaires maximal de 1 à 2 millions d’euros.
Dans un courrier en date du 17 mars 2020, Elisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire, a demandé aux fournisseurs d’énergie de faire preuve « de bienveillance et de compréhension vis-à-vis des difficultés de paiement que pourraient présenter vos clients dans les secteurs les plus affectés. » On peut s’attendre à ce que les fournisseurs suivent les recommandations de la ministre et fassent preuve de bienveillance. En espérant que la crise ne dure pas trop longtemps. Car les fournisseurs seront également fragilisés.