
L’accord conclu récemment entre Washington et Bruxelles prévoit que l’Union européenne achète, pendant trois ans, pour 250 milliards de dollars par an d’énergies fossiles aux États-Unis. Un engagement qui suscite de fortes réserves de la part des experts du secteur. Beaucoup jugent l’objectif non seulement ambitieux, mais tout simplement irréaliste au regard des capacités actuelles de production, de transport et de demande.
Une promesse difficile à tenir
En 2024, la facture énergétique de l’Union européenne s’est élevée à 375 milliards d’euros, soit environ 435,5 milliards de dollars. L’objectif fixé dans l’accord impliquerait que l’UE consacre plus de la moitié de ses importations énergétiques uniquement aux achats américains.
« De notre point de vue, l’engagement pris par l’Union européenne (…) est irréaliste dans les conditions actuelles du marché », a déclaré à l’AFP Ronald Pinto, analyste spécialiste du gaz chez Kpler, cabinet dédié aux matières premières. Même en accélérant le rythme des importations, « il sera difficile pour l’UE d’atteindre l’objectif de 250 milliards de dollars » par an, a-t-il souligné.
Des flux à tripler en un temps record
En 2024, les importations d’énergies fossiles américaines (pétrole, gaz, charbon) vers l’UE ont représenté environ 80,5 milliards de dollars selon Kpler. Pour tenir la promesse de l’accord, il faudrait donc tripler, voire quadrupler, ces volumes.
Cela semble difficilement envisageable. En 2024, les États-Unis ont couvert un peu plus de 16 % des besoins en brut de l’UE. Tripler ces volumes nécessiterait une redirection quasi totale des exportations américaines vers l’Europe, au détriment de marchés stratégiques en forte croissance, comme l’Asie. Un scénario jugé « peu probable » par Ronald Pinto.
GNL : des limites logistiques et une demande incertaine
Le gaz naturel liquéfié (GNL) représente aujourd’hui le principal vecteur des exportations américaines vers l’Europe. En 2024, le GNL américain a constitué 45 % des importations européennes de gaz. Selon les projections de Kpler, même avec une part de marché poussée à 55 % ou 60 %, les volumes atteindraient au mieux 41 milliards de dollars par an en 2025-2026 — encore loin de la cible.
Par ailleurs, les capacités de liquéfaction des États-Unis devraient croître d’environ 70 Mtpa d’ici 2028, selon l’Association internationale des importateurs de GNL. Mais il n’est pas garanti que l’Europe soit en mesure d’absorber cette offre supplémentaire, dans un contexte de demande en déclin.
En 2024, la consommation de gaz en Europe s’est élevée à 332 milliards de m³, soit une baisse de 20 % par rapport à 2021. Une tendance structurelle à la baisse qui reflète à la fois des politiques de sobriété et une mutation du mix énergétique.
Le charbon américain : une contribution marginale
L’UE importe également du charbon en provenance des États-Unis. Mais ces volumes restent marginaux, avec un total de moins de 4 milliards de dollars en 2024. Insuffisant pour combler l’écart avec l’objectif fixé par l’accord transatlantique.
Un accord plus symbolique que réaliste ?
En l’état, le cap des 250 milliards de dollars annuels semble hors de portée, sauf bouleversement majeur du marché mondial de l’énergie. À court terme, cet objectif apparaît davantage comme un signal politique fort que comme une trajectoire commerciale réaliste. Reste à voir s’il sera révisé, ou s’il servira de levier pour d’autres négociations transatlantiques.
(Source @AFP)
Sophie-Charlotte MARTIN, Conceptrice-Rédactrice spécialisée
Titulaire d'un master 2 en Lettres Classiques, complété d'un master 2 en Communication et d'un cycle web marketing à la CCI de Lyon, Sophie-Charlotte est intervenue sur des sujets aussi B2C que B2B, on et off line.
Régulièrement confrontée aux problématiques tertiaires et industrielles, elle s'est spécialisée en énergie. Aujourd'hui, elle garantit au quotidien la direction et la production éditoriale de l'entreprise. Sophie-Charlotte MARTIN est Responsable éditoriale d'Opéra Energie.