Allemagne : la chimie à l’heure de la biomasse

Le groupe allemand Covestro va expérimenter la production de l’aniline biosourcée afin de décarboner ses productions. Une tendance qui se généralise dans la chimie outre-Rhin.

La fermentation de sucre plutôt que du pétrole

Le fabriquant de plastique Covestro, groupe allemand basé à Leverkusen et ancienne filiale de Bayer, va tester la production à partir de plantes plutôt que de pétrole. La technologie déjà éprouvée en laboratoire est passée au stade des essais en production depuis la fin de l’année 2023. Quant à l’application commerciale, elle ne verra pas le jour avant plusieurs années.

Une pièce de 100m² est réservée à l’expérimentation. Cette unité pilote de Leverkusen produit 0,5 tonnes d’aniline biosourcée par jour, à partir d’un procédé de fermentation de sucre industriel fondé sur des plantes et mis au point par des chercheurs de l’université de Stuttgart. Une catalyse chimique produit sur place le précieux liquide.

Covestro veut aussi essayer de travailler avec des glucides obtenus à partir de lignocellulose présente dans le bois, la paille et le maïs.

6 millions de tonnes d’aniline produites par an, dans le monde

L’aniline est utilisée dans le processus de production. Il s’agit d’un composant obtenu à partir de dérivés de pétrole brut et déjà beaucoup de CO2. En aval du processus, elle sert à fabriquer des mousses polyuréthanes que l’on retrouve dans les matelas et fauteuils rembourrés ou encore dans l’isolation de bâtiments et de réfrigérateurs.

Covestro, au travers de ses différentes usines, produit lui seul 16,7% des 6 millions de tonnes d’aniline produit par an dans le monde, soit 1 million/an.

La chimie mondiale représente 25% des 100 millions de barils de pétrole produits chaque jour, ce qui fait dire au professeur Walter Leitner, spécialisé dans la catalyse moléculaire que la chimie « doit être complètement reconstruite ».

Les différentes pistes de décarbonation

La chimie biosourcée, à savoir le remplacement des matériaux fossiles au profit de ressources issues de la biomasse dans le processus de production, semble être la solution pour décarboner le secteur. Pourtant, son efficacité est à relativiser. L’emploi de la biomasse dans le cycle de fabrication fait économiser des combustibles fossiles mais sa neutralité carbone « est souvent discutable, notamment pour la biomasse dite cultivée, comme le maïs, la canne à sucre et la betterave sucrière », déclare à l’AFP Jens Günther, de l’Agence fédérale de l’environnement.

L’agriculture intensive comme base de produits chimiques génère « des émissions de CO2 et de méthane via la conversion des terres, la production d’engrais et de pesticides, sans parler des pertes de biodiversité très importantes et d’une consommation d’eau élevée », ajoute Janine Korduan, experte à l’ONG environnementale Bund.

Pour cette raison « l’utilisation de résidus et de déchets serait préférable à celle de la biomasse cultivée », selon Jens Günther. C’est la voie qu’a choisie un autre industriel allemand, le chimiste BASF, qui teste de son côté des déchets organiques, de produits agricoles et d’huiles végétales comme base à des produits chimiques intermédiaires.

Giovanni Djossou, journaliste spécialisé
Giovanni Djossou
Journaliste spécialisé

Titulaire d’un Master II en journalisme, Giovanni DJOSSOU a œuvré en tant que journaliste pigiste, en presse écrite, auprès de différents journaux et magazines.
Intéressé par les questions liées à l’énergie, il a la charge de la rédaction d’articles et de brèves pour Opéra Energie.