Chauffage des bâtiments neufs : polémique autour de la RE 2020
Dès le 1er janvier 2021, la RE 2020 s’appliquera aux constructions neuves. Le gouvernement vient de lancer une phase de simulation afin d’en fixer les principaux seuils et critères. Il a également acté certains paramètres de calcul, le facteur d’émission de CO2 et le coefficient de conversion entre énergie primaire et énergie finale.
« Pour mener à bien cette nouvelle phase d’étude, certains paramètres de calcul doivent être fixés. Le facteur d’émission de CO2 de l’électricité utilisée pour le chauffage sera déterminé par la méthode mensualisée par usage et verra donc sa valeur actualisée à 79 g/kWh, afin d’être plus conforme à la réalité constatée. Un coefficient de conversion entre énergie primaire et énergie finale de l’électricité de 2,3 sera utilisé. »
Des annonces qui n’ont pas tardé à faire réagir.
Le retour du « grille-pain », spécificité du chauffage français ?
AFG, AMORCE, CFPB, CIBE, COENOVE, ENERGIES ET AVENIR, ENERPLAN, FEDENE, SYNASAV, UMGCCP, UNICLIMA, UPRIGAZ et VIA SEVA : ils sont 13 à avoir co-signé une lettre adressée à Matignon le 29 janvier 2020 sollicitant le 1er Ministre pour un entretien. 13 acteurs du secteur gazier mais aussi des filières du génie climatique (service de dépannage compris), de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables. Leur lettre dénonce les « conséquences concrètes tout à fait négatives » de la prochaine réglementation environnementale (RE) 2020 des bâtiments neufs. En cause ? Les arbitrages favorables au chauffage électrique.
Les professionnels de l’énergie et du BTP attendaient avec impatience la réglementation thermique qui prendrait la suite de l’actuelle RT2012. La RE 2020 donc, applicable dès le 1er janvier 2021 pour tous les bâtiments neufs.
Et ils étaient nombreux à craindre un scénario privilégiant l’électricité, notamment via l’abaissement du coefficient de l’électricité.
« Si vous abaissez le coefficient dès le départ, vous valorisez un peu plus les grille-pains », autrement dit les convecteurs électriques énergivores, alertait déjà Thierry Salomon de l’association NégaWatt, en automne dernier.
En novembre, une tribune ouverte publiée par Enertech, et signée par plus d’une centaine de professionnels du BTP (ingénieurs, architectes, maitres d’ouvrage), interpellait les pouvoirs publics sur les orientations prises par la future réglementation. Le texte s’inquiétait lui-aussi du possible abaissement du coefficient d’énergie primaire de l’électricité qui ouvrait la porte des logements collectifs au chauffage électrique, celui-là même mis à mal par la RT2012.
La RT2012 a en effet fait reculer l’électrique au profit du gaz, qui concerne désormais 70% du marché des logements collectifs neufs.
Plus tôt dans l’année, en mai, associations et syndicats de l’énergie, (Uprigaz, Synasav, Fédération Française du Bâtiment, Coénove, Energies et Avenir, AFG, CFBP) s’étaient déjà élevés contre cette révision du coefficient et celle de la méthode de calcul des émissions de CO2 qui là aussi favoriserait le recours aux solutions électriques tout en risquant d’alourdir la facture des Français (« Un radiateur peu performant n’aura jamais l’efficacité énergétique des solutions développées ces dernières années ») et d’accroitre les besoins de puissance électrique en hiver, alors même que la production d’électricité « pilotable », c’est-à-dire nucléaire, est amenée à se restreindre. Sans compter que cela pénaliserait toute une filière industrielle « qui a pourtant largement investi ces dernières années dans les équipements efficaces énergétiquement ».
Mais les ministres du Logement et de la Transition écologique ont bien confirmé que le coefficient d’énergie primaire de l’électricité sera de à 2,3 et que le contenu carbone du chauffage électrique sera ramené à 79g/kWh (contre 210 dans l’expérimentation E+C-, qui devait préfigurer la RE2020).
Matignon prié de s’appuyer sur des « méthodes de calcul pertinentes »
Les signataires appellent ainsi l’État à revenir à la valeur de 210 g de CO2/kWh, pour tenir compte de la pointe hivernale. « Cette pointe oblige à mettre en route des installations de production électrique, en grande partie thermiques, et à importer de l’électricité plus carbonée venant de nos voisins européens. ». Lors des pics de consommation en hiver, ce sont en effet d’autres moyens qui viennent s’ajouter à l’électricité issue de la production nucléaire : les centrales thermiques à gaz, à fioul et au charbon. De l’électricité carbonée donc. « La valeur actuelle de 210 grammes du facteur d’émission repose sur la réalité du mix énergétique de la pointe d’hiver liée au chauffage, alors que la nouvelle valeur proposée, bien que dénommée, à tort, « par usage » ne représente que la moyenne totale en hiver de l’impact carbone, tous usages confondus. » soulignent encore les 13.
De plus, ils demandent de ne pas réviser le coefficient en se fondant « sur une projection hypothétique du mix énergétique français moyen sur les 50 prochaines années » mais plutôt « sur la réalité actuelle ».
A l’inverse, l’association Équilibre des énergies, porte-parole de la plupart des acteurs de la filière électrique, salue les choix du Gouvernement. Brice Lalonde, Président d’Equilibre des Energies explique : « La RT2012 nous a fait perdre dix ans dans la décarbonation du secteur des bâtiments. Il faut regagner le temps perdu : si nous manquons le coche de cette RE 2020, nous perdons notre dernière chance de remplir nos engagements pour 2030 ».
« Il existe des systèmes performants qui permettent de casser le mythe du grille-pain » rappelait fin 2019 Julie Daunay, du cabinet Carbone 4 à l’AFP. La Stratégie nationale bas carbone « mise sur une forte réduction des chaudières gaz dans la construction neuve au profit de systèmes moins carbonés telles que les pompes à chaleur, les réseaux de chaleur incluant une forte part d’énergies renouvelées, les chaudières boise » précisait-elle encore.