
Malgré des débuts hésitants, l’Union européenne pourrait bien réussir à tenir ses engagements climatiques pour 2030. Mais le chemin reste semé d’embûches, notamment en matière d’efficacité énergétique.
Une trajectoire européenne « en bonne voie »
La Commission européenne a rendu publique, mercredi 28 mai, une évaluation des « plans nationaux pour l’énergie et le climat » (PNEC) des États membres, requis avant le 30 juin 2024. Ces documents stratégiques ont pour but de réaligner les politiques énergétiques nationales sur les objectifs du pacte législatif européen « Fit for 55 », en tenant compte des évolutions réglementaires. Ils couvrent des domaines clés comme la réduction des émissions de gaz à effet de serre, le déploiement des énergies renouvelables et l’efficacité énergétique.
Malgré un retard généralisé dans la remise de ces plans – seuls cinq pays les ayant transmis dans les délais, et trois (la Pologne, la Belgique et l’Estonie) n’ayant toujours pas répondu à l’appel – le rapport de la Commission se veut optimiste. Il souligne que l’UE a « considérablement réduit l’écart qui la sépare des objectifs énergétiques et climatiques de 2030 ». Selon l’évaluation, l’Union serait « en bonne voie » pour réduire ses émissions nettes de gaz à effet de serre d’environ 54 % d’ici la fin de la décennie, contre une réduction déjà effective de 37 % par rapport à 1990, dont 8 % rien qu’en 2023.
En parallèle, la part des énergies renouvelables dans la consommation totale pourrait atteindre « au moins 42,5 % », soit un objectif proche du seuil fixé à 45 %. Quant aux secteurs du transport routier, du bâtiment, de l’agriculture et des petites industries, leurs émissions devraient baisser de « 38 % par rapport à 2005 », soit seulement deux points de moins que la cible fixée.
L’efficacité énergétique, talon d’Achille de la transition européenne
Cet élan reste néanmoins conditionné à une mise en œuvre rigoureuse des politiques prévues. La Commission met en garde contre des lacunes persistantes, notamment en matière d’efficacité énergétique. En cause : des politiques nationales incomplètes ou mal appliquées, en particulier pour la rénovation thermique des bâtiments, le développement des pompes à chaleur ou encore la réduction du gaspillage énergétique dans les centrales thermiques. Comme l’a souligné Dan Jorgensen, commissaire européen à l’Énergie et au Logement : « Nous allons nous concentrer sur l’amélioration de cette situation : la combinaison de la mise en œuvre des législations déjà adoptées, de nouvelles initiatives et de plans, notamment sur l’électrification et sur le chauffage et le refroidissement, sera très importante à cet égard ».
L’efficacité énergétique est aussi vue comme un levier stratégique pour rompre la dépendance aux énergies fossiles russes, qui représentaient encore 18 % des importations européennes en 2023. Pour Neil Makaroff, directeur du think-tank Strategic Perspectives : « Si tous les détails des plans de décarbonation étaient mis correctement en place, l’UE pourrait couper un tiers de sa consommation de gaz d’ici à 2030, qui est virtuellement demain. Pour donner un ordre de grandeur, c’est l’équivalent de ce que l’Allemagne consommait avant le début de la guerre en Ukraine ».
En Pologne, où la transition énergétique est devenue un enjeu de sécurité nationale, « l’éolien et le solaire connaissent un vrai boom, car c’est une condition pour se soustraire au gaz russe », affirme encore Neil Makaroff. Toutefois, il précise : « Peu, voire aucun pays membre de l’UE ne sortira entièrement des énergies fossiles d’ici à 2030. Pour la production d’électricité, peut-être. La France, l’Espagne, le Portugal pourraient y arriver. L’UE est sur une bonne trajectoire au niveau de l’électricité, mais il faudra voir globalement ».
Pour atteindre les objectifs européens, il faudra multiplier les efforts : les États membres devront enregistrer un taux annuel moyen d’économie d’énergie de 1,49 % entre 2024 et 2030, contre seulement 0,8 % sur la période précédente. Un défi de taille, qui passera aussi, symboliquement et concrètement, par le réflexe d’« éteindre la lumière en sortant d’une pièce ».
Titulaire d’un Master II en journalisme, Giovanni DJOSSOU a œuvré en tant que journaliste de presse écrite dans différents journaux et magazines pendant plus d’une décennie.
Spécialisé dans le secteur de l’énergie depuis 2023, il a la charge de la rédaction d’articles, de la conduite d’interviews ainsi que de la création de programmes pour Opéra Energie.