L’industrie de l’acier malmenée par le climat et la guerre

Le projet de décarbonation de l’industrie implique une réduction de 45% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Un objectif ambitieux qui nécessitera des investissements entre 50 et 70 milliards d’euros. Des sommes que les industriels ne peuvent avancer seuls.

Entre 5 et 10 milliards de subventions

Le 22 novembre dernier, à l’occasion du salon des maires de France, les grands industriels français étaient réunis afin de signer les « contrats de transition écologique ». Les ministres de l’Industrie (Roland Lescure), de la transition énergétique (Agnès Pannier-Runacher) et la première ministre Elisabeth Borne, présents à l’événement, ont dressé la feuille de route visant à décarboner les 50 sites les plus émetteurs de CO2. Or, pour faire de cette décarbonation une réalité, les investissements du secteur sont évalués entre 50 et 70 milliards d’euros. Sur le plan purement économique, il serait irrationnel pour les entreprises concernées d’engager la transition seules. Le soutien des pouvoirs publics est de rigueur tout comme la mise en place de mécanismes de financement.

5,6 milliards d’euros sont ainsi prévus dans le cadre du projet France 2030. En novembre 2022, en marge de la COP27 de Charm el-Cheick en Egypte, le président Macron envisageait une enveloppe de 10 milliards pour l’industrie verte, sans pour autant revenir sur cette proposition, depuis. Une règle semble, elle, acquise : pas de réduction [des émissions] pas de subventions.

Au sein de la Loi Industrie Verte entérinée le 24 octobre 2023, une réduction d’impôts de 20 à 45% de leurs investissements des entreprises industrielles, dans les innovations vertes, est prévu.

Des « prêts participatifs » et des « obligations transition » garantis à 30% par l’Etat sont mis en place. Tout comme le plan d’Epargne Avenir Climat dont l’objectif est de récolter 4 milliards d’euros par an pour « verdir » l’industrie française.

Les contrats de transition écologique effectifs en 2026

L’industrie est le troisième secteur le plus consommateur d’énergie en France après les transports et le résidentiel. Elle représente un cinquième des émissions de CO2 du pays et 11% du PIB. Les 50 sites industriels les plus polluants émettent 60% du CO2 de l’industrie et 12% du CO2 total en France.

L’agro-industrie, la métallurgie, les matériaux de construction et la chimie sont les activités dans lesquelles évoluent les 50 sites émettant le plus de dioxyde de carbone. Quant aux zones géographiques les plus concernées, il s’agit de Dunkerque (Nord), Fos-sur-Mer et ses alentours (Bouches -du-Rhône) et le Havre (Seine-Maritime).

L’objectif des contrats de transition écologique est de réduire de 45% les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030.

« Dans la course pour faire baisser les émissions de CO2, il n’y a pas une seule solution mais il faudra utiliser un ensemble de technologies différentes », prévient Philippe Merino, vice-président d’Air Liquide.

Si ce projet de contrats de transition écologique devrait permettre aux industriels de se « projeter et d’avoir de la visibilité » comme l’affirme Bercy, ces engagements restent flous et les sommes allouées par l’Etat ne sont pas définitivement fixées. Jusqu’ici, le dispositif dont l’application effective n’est pas prévue avant le 1er janvier 2026, effectue des tests dans un nombre limité de secteurs : l’acier, l’aluminium, les engrais azotés et l’hydrogène.

Les appels à projets de France 2030

Selon une étude commune de La Fabrique et de KPMG datant du 23 novembre, les groupes industriels sont réticents à employer des moyens drastiques pour intensifier leur décarbonation. Les raisons principales étant le manque de maturité technologique et le coût des investissements. De fait, ils privilégient les moyens classiques de sobriété et d’efficacité énergétique, insuffisants pour atteindre les objectifs de décarbonation 2030.

Les appels à projets tentent de répondre à cette problématique. Si des subventions comme IndusDECAR de l’ADEME ont existé par le passé, d’autres ont vu le jour depuis, dans le cadre de France 2030, le plan d’investissement pour rattraper le retard de l’industrie française en termes de décarbonation.

Développement d’une économie numérique innovante et circulaire (dépôt de dossiers jusqu’au 29 février 2024)

Une subvention promouvant l’écoconception, la sobriété et l’allongement de la durée de vie des solutions numériques. Le coût total du projet doit se situer entre 300 000€ et 5 millions d’euros.

Méthanisation Grand Est (dépôt de dossiers jusqu’au 1er avril)

Il vise à financer les installations à caractère collectif pour traiter les biodéchets, développer la production d’énergies renouvelables et réduire les émissions de gaz à effet de serre. Les entreprises industrielles situées dans le Grand Est sont éligibles ainsi que les exploitations agricoles et les collectivités locales dans la même zone géographique. Le plafond de cette subvention est limité à 250 000 €.

Investissement de l’offre industrielle des EnR (dépôt de dossier jusqu’au 31 mai)

Subvention soutenant des projets d’investissement pour développer les capacités industrielles dans le domaine des énergies renouvelables et d’accompagner les industrialisations de la production et l’assemblage des composants et des technologies innovantes de réseaux. Le montant des subventions varie en fonction du projet.

Fonds chaleur

Le Fonds chaleur de l’ADEME est connu. Il soutient les projets de production de chaleur à partir d’énergie renouvelables et de récupération d’énergie ainsi que les réseaux de chaleur liés à ces installations.

Giovanni Djossou, journaliste spécialisé
Giovanni Djossou
Journaliste spécialisé

Titulaire d’un Master II en journalisme, Giovanni DJOSSOU a œuvré en tant que journaliste pigiste, en presse écrite, auprès de différents journaux et magazines.
Intéressé par les questions liées à l’énergie, il a la charge de la rédaction d’articles et de brèves pour Opéra Energie.