Electricité : le Sénat veut une véritable régulation et une baisse de la fiscalité
Après 6 mois de travaux, et plus de 140 personnes entendues, la commission d’enquête du Sénat sur l’électricité a rendu son rapport. Focus sur ses propositions en matière de Post ARENH et de fiscalité énergétique.
« Une feuille volante sans aucune valeur juridique »
La commission d’enquête a constaté que l’accord conclu entre l’État et EDF en novembre 2023 a été négocié dans une grande opacité.
Cet accord, décrit comme une simple feuille volante non signée, n’a aucune valeur juridique dénonce la commission. L’affichage d’un prix moyen de 70 euros, souvent présenté comme un engagement, est en réalité un indicateur sans portée réelle, un pari risqué sur l’évolution des prix des marchés à terme.
« Un passé récent a pourtant montré à quel point il était imprudent de fonder le prix de l’électricité sur les fluctuations des marchés de gros. » alertent les sénateurs.
En les exposant aux aléas du marché et en décorrélant les prix des coûts de production, le dispositif actuel ne protège pas les consommateurs et compromet les perspectives de réindustrialisation du pays. De plus, sans garantie de prix de vente, EDF pourrait se retrouver en difficulté si les prix restent bas sur les marchés de gros. Les évolutions récentes rendent cette hypothèse de plus en plus probable.
L’Etat devrait opter pour un un contrat pour différence (CfD)
Jusqu’en 2022, EDF, ainsi que l’État jusqu’à l’été 2023, ont soutenu l’option d’une véritable régulation de la production du parc nucléaire via un contrat pour différence (CfD). Le Gouvernement s’est d’ailleurs battu à Bruxelles pour obtenir cette possibilité. Cependant, les raisons des revirements d’EDF et de l’État restent mystérieuses et n’ont jamais été clairement expliquées à la commission d’enquête, pointe cette dernière.
La commission recommande de remplacer l’accord de novembre dernier par une régulation prenant la forme d’un CfD sur le parc nucléaire existant, pouvant être étendu à tous les moyens décarbonés. Ce CfD, dont les flux financiers seraient imputés aux consommateurs et intégrés dans les tarifs réglementés de vente d’électricité (TRVe), pourrait abaisser le prix de l’électricité à environ 60-65 euros par MWh. Cela représenterait une économie annuelle de plus de 300 euros pour un foyer moyen par rapport aux prix actuels explique le Sénat.
Diminuer la fiscalité pour réduire le prix de l’électricité
Depuis les années 2000 et jusqu’à la crise, les prix de l’électricité ont augmenté en raison des hausses de fiscalité explique la commission. À l’heure où l’on promeut des objectifs ambitieux de décarbonation de nos sociétés, et alors que l’électricité n’est pas une marchandise comme une autre mais un bien de première nécessité, il est nécessaire d’inverser cette tendance.
Si elle exclut une baisse indifférenciée de la TVA, la commission d’enquête propose trois mesures visant à réduire sensiblement la fiscalité sur l’électricité :
- Une accise sur l’électricité différenciée en fonction des volumes consommés : Le tarif d’accise serait réduit de 21 euros par MWh aujourd’hui à 9,5 euros par MWh pour les volumes de consommation de base, calculés sur une base annuelle, inférieurs à 4,5 MWh pour un foyer qui n’est pas chauffé à l’électricité et à 6 MWh pour un foyer chauffé à l’électricité. Il serait maintenu à 21 €/MWh pour les volumes de consommation situés entre les seuils bas ci-dessus et 7,5 MWh pour les ménages non chauffés à l’électricité et 9 MWh pour les autres. Pour les volumes de consommation supérieurs à 7,5 MWh ou 9 MWh résultants de choix individuels et d’activités de loisirs, le tarif d’accise serait porté à 32 €/ MWh, c’est-à-dire le tarif de droit commun appliqué jusqu’en 2021.
- Une réduction ciblée de la TVA appliquée à une consommation électrique de base : Le taux de TVA serait ainsi réduit à 5,5 % pour les volumes de consommation annuels situés sous les seuils de 4,5 MWh pour un foyer qui n’est pas chauffé à l’électricité et 6 MWh pour un foyer chauffé à l’électricité.
- La substitution d’une dotation budgétaire à la contribution tarifaire d’acheminement (CTA) : Cette mesure finance le Régime spécial des industries électriques et gazières (RSIEG), dont le financement n’a pas à reposer sur les consommateurs d’électricité.
Ces mesures s’articulent avec la mise en œuvre d’une véritable régulation des prix via le dispositif de CfD précité. En prenant comme référence les tarifs d’électricité moyens observés en 2024, la conjonction de ces deux ensembles de dispositifs permettrait des baisses de prix structurelles équivalentes à :
- Près de 7 000 euros sur la facture annuelle d’un boulanger qui consomme en moyenne 99 MWh par an.
- Plus de 600 euros sur la facture annuelle d’un ménage qui consomme en moyenne 6 MWh par an.