
Face à une dépendance massive aux matériaux stratégiques chinois, l’Allemagne sonne l’alarme et entraîne l’Europe dans une réorientation de la filière éolienne. À travers une feuille de route ambitieuse, le pays entend renforcer la souveraineté industrielle européenne tout en sécurisant ses objectifs climatiques.
Une diversification de l’approvisionnement à hauteur de 35 % pour 2030
Alors qu’il y a un peu plus d’un mois, côté français, un débat sur la place de l’éolien s’est tenu à la faveur du moratoire sur les énergies renouvelables – séquences au cours de laquelle plusieurs figures politiques, comme le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, ont appelé à l’arrêt des subventions pour l’éolien – côté allemand la stratégie est à l’extrême opposé.
Le 5 août, le gouvernement allemand, en collaboration avec cinq fédérations européennes du secteur éolien, a dévoilé un plan stratégique visant à réduire la dépendance de l’Europe aux terres rares importées de Chine. Cette feuille de route, rédigée sous l’égide du ministère allemand de l’Économie et de l’Énergie, entend rendre le secteur éolien européen « plus résilient » et « éviter une dépendance excessive aux importations de certains États », selon les termes du document.
L’un des axes prioritaires du plan est la réduction de l’usage des aimants permanents chinois dans les turbines éoliennes. Ces composants essentiels, également utilisés dans l’automobile et l’électronique, sont actuellement importés à plus de 90 % de Chine par les pays européens. Le texte vise à ce que 15 % des aimants permanents proviennent d’autres sources d’ici 2029, et 50 % dès 2035. Concernant les terres rares elles-mêmes, la diversification des approvisionnements devrait atteindre 5 % en 2029 et 35 % en 2030.
Pour atteindre ces objectifs, Berlin souhaite renforcer les garanties d’investissement à travers des accords de livraison à long terme et des partenariats internationaux, notamment avec l’Australie et le Japon. Cette initiative s’inscrit dans une stratégie plus large du gouvernement fédéral, portée par la coalition de Friedrich Merz, qui réaffirme la nécessité de « réduire les risques » associés à la Chine.
Ambition climatique et stratégie géopolitique
Ce revirement stratégique intervient dans un contexte de tensions croissantes entre la Chine et les pays occidentaux. L’industrie allemande a été particulièrement secouée par la décision de Pékin, en avril, de restreindre l’exportation de terres rares, en réaction aux mesures protectionnistes américaines. Si la Commission européenne a récemment annoncé un mécanisme « amélioré » avec la Chine pour atténuer ces restrictions, la fragilité des chaînes d’approvisionnement reste préoccupante.
En parallèle, la Chine demeure un marché central pour les exportations allemandes. Mais les industriels allemands doivent désormais faire face à une concurrence de plus en plus forte des entreprises chinoises dans les énergies renouvelables. Leader européen de l’éolien terrestre et maritime, l’Allemagne a installé à elle seule 25 % des nouvelles capacités éoliennes dans l’Union européenne en 2024, d’après la fédération WindEurope. Et les ambitions sont à la hauteur des enjeux : le pays vise à tripler sa capacité éolienne en mer d’ici 2030 pour respecter ses engagements climatiques.
Ainsi, dans un monde de plus en plus polarisé, Berlin entend jouer un rôle moteur dans la réindustrialisation verte de l’Europe, tout en réduisant les vulnérabilités stratégiques de son économie. « Il est vital de ne pas dépendre d’un seul fournisseur pour des composants critiques », a insisté Robert Habeck, ministre allemand de l’Économie.
Source : AFP
Titulaire d’un Master II en journalisme, Giovanni DJOSSOU a œuvré en tant que journaliste de presse écrite dans différents journaux et magazines pendant plus d’une décennie.
Spécialisé dans le secteur de l’énergie depuis 2023, il a la charge de la rédaction d’articles, de la conduite d’interviews ainsi que de la création de programmes pour Opéra Energie.