L’UE face au défi gazier : entre progrès et incertitudes
La Cour des comptes européenne a publié le 24 juin un rapport mettant en lumière les défis persistants auxquels l’Union européenne doit faire face pour se prémunir contre une future crise gazière. Malgré des mesures d’urgence adoptées pour contrer l’instrumentalisation du gaz par la Russie, les bénéfices de ces actions restent nuancés.
Mesures d’urgence, limites et nouveaux défis
En réponse à la dépendance vis-à-vis du gaz russe, qui constituait 45% des importations de gaz de l’UE en 2021, l’Europe a rapidement diversifié ses sources, notamment en augmentant ses importations de gaz naturel liquéfié (GNL). Cependant, cette transition rapide a déclenché une crise d’approvisionnement, poussant les prix du gaz à des sommets inédits en août 2022, avec un pic à 339 €/MWh, vs 50 €/MWh un an plus tôt. Les États membres ont dû injecter environ 390 milliards d’euros en 2022 pour subventionner les coûts du gaz et de l’électricité, afin de soulager les ménages et les entreprises.
João Leão, membre de la Cour des comptes responsable de l’audit, souligne que, malgré l’augmentation des prix et les difficultés financières, l’UE a évité une grave pénurie de gaz. Toutefois, il avertit : « Compte tenu de sa dépendance au gaz étranger, l’UE ne peut jamais baisser la garde sur la sécurité de son approvisionnement, et rien ne garantit des prix accessibles aux consommateurs en cas de pénurie majeure. »
L’UE a réussi à réduire sa demande de gaz de 15 % pendant la crise, mais il reste difficile de déterminer si cette baisse est le résultat direct des mesures prises ou de facteurs externes comme les prix élevés et un hiver clément. De plus, bien que l’obligation de remplissage des installations de stockage de gaz ait été dépassée, atteignant 90 %, cela correspond aux niveaux d’avant-crise, remettant en question l’efficacité de cette mesure.
La Cour des comptes a également examiné l’impact de la plateforme AggregateEU, destinée à faciliter les achats groupés de gaz.
« Là aussi, les auditeurs de la Cour n’ont pas pu déterminer la valeur ajoutée par rapport à d’autres plateformes existantes : de fait, les différences de prix entre les 27 engendrées par la crise s’étaient déjà considérablement amenuisées avant la mise en service d’AggregateEU. » explique l’instance européenne.
Vers un avenir plus durable
Les auditeurs de la Cour mettent en avant la nécessité pour l’UE de renforcer son cadre pour l’accessibilité financière du gaz et expriment leurs inquiétudes quant à la réticence de certains États membres à signer des accords de solidarité bilatéraux. Ils soulignent également l’insuffisance des progrès dans les technologies de captage, d’utilisation et de stockage du carbone (CUSC), essentielles pour atteindre les objectifs climatiques de l’UE, notamment celui de zéro émission nette d’ici 2050.
« À ce jour, les quatre projets commerciaux de CUSC en fonctionnement dans l’UE permettent, ensemble, de capturer jusqu’à 1,5 million de tonnes de CO2 par an. Une goutte dans l’océan par rapport aux 450 millions de tonnes de CO2 à capturer par CUSC chaque année d’ici à 2050 pour atteindre les objectifs climatiques de l’UE. » soulignent ainsi les auditeurs.