Fin des aides énergie copropriétés : et après ?
Des dispositifs coûteux ; une mise en place laborieuse ; un manque d’anticipation ; un défaut de lisibilité ; une méconnaissance préoccupante des différents profils de consommateurs…
La Commission des finances a remis au Sénat son rapport sur les différentes aides mises en place pour les particuliers comme pour les professionnels dans le cadre de la crise énergétique. Un rapport sans pincettes, qui dénonce « l’usine à gaz des aides énergie », notamment celles à destination de l’habitat collectif.
Le gouvernement a réagi trop tardivement pour protéger les copropriétés
« L’habitat collectif s’est révélé être le grand oublié des premières mesures de soutien aux prix de l’énergie » dénonce le rapport. Il faudra ainsi attendre avril 2022 pour qu’un dispositif soit déployé protégeant les ménages vivant dans des logements chauffés collectivement au gaz naturel. La Commission rappelle que, pourtant, tous les acteurs du secteur alertaient les pouvoirs publics dès l’automne 2021.
Le trou dans la raquette du chauffage collectif à l’électricité
Les logements chauffés collectivement à l’électricité ont dû patienter plus longtemps encore… Ce n’est que le 30 décembre 2022 que deux décrets sont parus, mettant en place « un dispositif rétroactif qui s’applique au second semestre 2022 et un autre pour l’année 2023 », alors que les professionnels et associations tiraient la sonnette d’alarme depuis début 2022…
« Le Gouvernement a réagi de façon beaucoup trop lente. » concluent les rapporteurs.
Des dispositifs improprement appelés boucliers tarifaires copropriétés
Outre des problématiques de timing, il semblerait que les pouvoirs publics aient aussi été confrontés à quelques loupés en termes de communication. Les mesures de soutien à l’habitat collectif ont en effet été improprement appelés « boucliers tarifaires » : leurs modalités d’application sont bien différentes de celles des « boucliers tarifaires » à destination des particuliers.
« Les mesures d’aides à l’habitat collectif passent par l’Agence de services et de paiement (ASP), ne sont versés qu’ex-post et impliquent une avance de trésorerie de plusieurs mois pour leurs bénéficiaires. » Autre différence notable, « elles se caractérisent par le fait que ce sont les bénéficiaires qui doivent se signaler auprès de leur fournisseur par le moyen d’attestations. »
Ces approximations sémantiques sont sources d’incompréhension et de frustration : à l’heure actuelle, nombre de copropriétés se demandent encore « quand et si elles recevront bien les aides promises. »
Des avances de trésorerie qui plombent les charges des copropriétés
« La complexité des différentes étapes du processus explique que les copropriétaires n’ont pas encore été bénéficiaires de l’aide qui intervient avec plus d’une année de décalage et occasionne parfois une avance de trésorerie particulièrement lourde, susceptible d’avoir une incidence sur les impayés de charges de copropriétés » tacle le rapport.
A la fin du mois de mai 2023, seules 86 demandes pour bénéficier du dispositif rétroactif de soutien aux prix de l’électricité au titre du second semestre 2022 avaient été déposées auprès de l’ASP pour un total de 42 millions d’euros.
Les fournisseurs ont souligné la grande complexité du dispositif, notamment compte tenu des délais imposés : « Certains font état d’un taux de retour d’attestation inférieur à 15 % par rapport aux sites qu’ils avaient ciblés ».
Des aides énergie construites « à tâtons »
Pire, il semblerait que l’administration navigue à vue, ne sachant pas à ce jour combien de sites ont demandé à leurs fournisseurs une aide au titre du second semestre 2022 : « c’est symptomatique du manque d’informations dont disposent les pouvoirs publics » déplore la Commission des finances, ajoutant que « l’administration elle-même reconnaît qu’elle a beaucoup de mal à suivre ces dispositifs. », alors qu’elle commence tout juste à recevoir des premières demandes de versements des fournisseurs.
Le bouclier tarifaire gaz n’est plus, mais l’aide au chauffage collectif est bien maintenue
Récemment, le Gouvernement a encore semé la confusion. Alors qu’en avril la Première ministre a assuré la prolongation du bouclier tarifaire gaz jusqu’à fin 2023, Bruno Le Maire a finalement annoncé son extinction au 30 juin.
Quid des aides pour les copropriétés ?
Elles seront bien appliquées jusqu’au 31 décembre 2023, même si, comme l’a souligné Engie à la Commission, « la suppression du bouclier gaz pourrait induire une distorsion entre les clients qui relèvent du bouclier tarifaire gaz, et ceux qui relèvent de la mesure d’aide au chauffage collectif. »
Attention aux contrats de gaz signés au second semestre 2022
Les copropriétés peuvent donc souffler… enfin pas toutes ! En effet, les rapporteurs rappellent le cas spécifique de celles qui ont signé des contrats de fourniture de gaz au second semestre 2022, au moment où les prix étaient le plus élevés.
Pour protéger les consommateurs, l’Etat avait alors décidé d’une aide complémentaire, « la facture est prise en charge à 75 % par l’État dès lors qu’elle dépasse de 30 % le niveau du TRV tel qu’il aurait évolué sans les mesures de gel. »
Cependant cette aide doit s’arrêter fin 2023, à l’instar de l’aide au chauffage collectif au gaz. Que se passe-t-il si le contrat signé engage la copropriété au-delà de 2023 ? Manifestement, rien n’est prévu : « si la maturité du contrat signée est supérieure à un an, le risque est important que ces structures ne soient plus couvertes par aucune mesure d’aide, ce qui pourrait avoir des conséquences catastrophiques sur leur fonctionnement. »
La Commission demande donc au gouvernement de prendre les mesures appropriées : « dans le cadre de la reconduction des dispositifs dédiés à l’habitat collectif en 2024, en gaz comme en électricité, [il faut] prévoir un traitement particulier pour les structures qui ont signé en 2022, des contrats de fourniture à des tarifs très élevés pour une maturité supérieure à un an. »
Un chèque énergie pour les copropriétés ?
L’administration étudie actuellement la possibilité d’utiliser le chèque énergie pour le paiement des charges locatives des logements sociaux incluant des dépenses de chauffage. Les rapporteurs souhaitent que cette réflexion soit étendue au chauffage collectif : « une solution doit être trouvée pour permettre aux [bailleurs privés et les copropriétés] d’en bénéficier au même titre que les autres ménages. »