À l’approche de l’interdiction des importations de gaz russe d’ici 2028, l’Union européenne explore de nouveaux horizons. Le Turkménistan pourrait devenir un fournisseur.
Maksat Babaïev, ministre turkmène du gaz.

À l’approche de l’interdiction des importations de gaz russe d’ici 2028, l’Union européenne explore de nouveaux horizons énergétiques. Le Turkménistan, riche en ressources gazières mais isolé géographiquement, s’impose comme une alternative éventuelle. A quel point ce projet est-il crédible ?

Un géant gazier en quête de débouchés : 80 milliards de m³ attendus en 2025

Le Turkménistan, détenteur des quatrième à cinquième plus importantes réserves mondiales de gaz naturel, a réaffirmé son ambition d’approvisionner l’Europe. « Nous sommes toujours intéressés par la diversification des voies d’exportation, notamment la route transcaspienne vers l’Europe », a déclaré Maksat Babaïev, président de l’entreprise étatique Turkmengaz et ministre du Gaz, lors d’un forum énergétique à Achkhabad.

Actuellement, près de 100 % des exportations turkmènes sont destinées à la Chine. Mais la conjoncture européenne, marquée par la volonté de rompre toute dépendance vis-à-vis de Moscou, offre une opportunité nouvelle pour ce pays d’Asie centrale. « Nous sommes prêts, nous pouvons vendre du gaz à la frontière. Le gazoduc est-ouest, avec une capacité annuelle de 30 milliards de mètres cubes, peut être utilisé pour fournir l’Europe », a ajouté Maksat Babaïev.

Le gouvernement turkmène prévoit une production de 80 milliards de mètres cubes de gaz en 2025, en légère hausse. Toutefois, les infrastructures nécessaires pour relier le Turkménistan au marché européen demeurent le principal verrou.

Un projet à hauts risques financiers et géopolitiques

Le projet clé envisagé repose sur la construction d’un gazoduc transcaspien reliant le Turkménistan à l’Azerbaïdjan, afin de permettre un acheminement du gaz vers la Turquie, puis l’Europe. Mais cette liaison, jamais concrétisée, implique de franchir la mer Caspienne, dont la délimitation juridique reste disputée, notamment avec l’Iran. « La question de la délimitation de la mer Caspienne reste ouverte », a reconnu le ministre turkmène.

Outre les tensions régionales, le coût colossal du projet freine les investisseurs. Les Européens, malgré leur intérêt croissant depuis la guerre en Ukraine, hésitent à s’engager sans garanties politiques et techniques solides. Dans ce contexte, le Turkménistan vient d’annoncer la suspension temporaire de ses livraisons de gaz vers la Turquie via l’Iran, illustrant les fragilités structurelles de ses routes d’exportation.

Si la route transcaspienne venait à voir le jour, elle pourrait offrir à l’Europe un nouvel axe d’approvisionnement stratégique, réduisant encore son exposition au gaz russe. Mais entre enjeux géopolitiques, incertitudes juridiques et financements colossaux, ce scénario reste, pour l’heure, une perspective plus politique que concrète.

Giovanni Djossou, journaliste spécialisé
Giovanni Djossou Journaliste spécialisé

Titulaire d’un Master II en journalisme, Giovanni DJOSSOU a œuvré en tant que journaliste de presse écrite dans différents journaux et magazines pendant plus d’une décennie.
Spécialisé dans le secteur de l’énergie depuis 2023, il a la charge de la rédaction d’articles, de la conduite d’interviews ainsi que de la création de programmes pour Opéra Energie.