Gaz : l’UE doit renforcer ses achats collectifs
Un rapport dirigé par Mario Draghi appelle à une stratégie plus coordonnée pour l’achat de gaz en Europe. Le but est de réduire la dépendance aux prix spot et de limiter la spéculation qui aggrave les fluctuations des marchés gaziers.
Une stratégie collective pour contrer l’instabilité des prix
L’Union européenne doit améliorer sa capacité à acheter collectivement du gaz afin de limiter l’impact de la volatilité des prix sur son économie, selon un rapport commandé par la Commission européenne. Rédigé par Mario Draghi, ancien Premier ministre italien, le rapport met en lumière l’inefficacité des mécanismes actuels face aux perturbations croissantes sur les marchés mondiaux du gaz. L’UE, premier importateur mondial de gaz naturel et de gaz liquéfié (GNL), ne profite pas suffisamment de sa position dominante pour influer sur les prix et éviter les chocs économiques.
Le document souligne que l’UE est encore trop exposée aux marchés spot, où les prix sont fortement influencés par l’offre et la demande immédiates. Une situation qui accroit les risques financiers pour les États membres et les entreprises.
Des mécanismes insuffisants pour une coordination efficace
En réponse à l’augmentation des prix du gaz en 2022, l’UE a mis en place le mécanisme AggregateEU pour coordonner la demande et agréger les offres. Toutefois, la participation des États membres à cette plateforme reste volontaire, limitant ainsi son efficacité. Le rapport met en garde contre le manque de coopération entre les pays européens, ce qui a contribué à une hausse inutile des prix durant la crise énergétique. L’absence de stratégie unifiée a également rendu l’UE plus vulnérable aux fluctuations du GNL, qui est plus coûteux en raison des frais de liquéfaction et de transport.
Les prix du gaz en Europe ont atteint des niveaux records en 2022, en août notamment. Cela a été aggravé par une forte concurrence sur le marché spot, alors que les importations de gaz russe via pipeline diminuaient. Bien que de nouvelles capacités de GNL soient attendues, notamment aux États-Unis et au Qatar, le rapport suggère que l’UE doit se préparer à des défis de long terme en matière d’approvisionnement.
Encadrer la spéculation et stabiliser les marchés
Pour réduire les fluctuations des prix du gaz, le rapport Draghi propose une régulation plus stricte des marchés financiers liés à l’énergie. Il s’inspire de l’exemple américain, où des limites de position financière et des plafonds dynamiques sont utilisés pour prévenir les distorsions de prix. En Europe, Draghi appelle à la mise en place d’un cadre réglementaire commun pour les marchés spot et dérivés du gaz, ce qui permettrait une supervision intégrée.
L’absence de régulation coordonnée a permis à certaines entreprises de spéculer sur les marchés dérivés, augmentant ainsi la volatilité des prix. Selon l’European Securities Markets Agency (ESMA), cinq entreprises détenaient environ 60 % des positions sur certains marchés en 2022. En imposant des règles plus strictes et en supprimant certaines exemptions pour les entreprises non financières, l’UE pourrait mieux maîtriser les effets de la spéculation sur son économie.
Un marché gazier européen mieux structuré pour l’avenir
L’UE doit adopter une approche plus proactive et coordonnée dans sa gestion de l’approvisionnement en gaz. Cela passe par une meilleure utilisation des achats collectifs et une réduction de la dépendance aux marchés spot, qui sont souvent influencés par la demande en Asie. Draghi insiste également sur l’importance de diversifier les sources d’approvisionnement et de signer des contrats à long terme avec des partenaires fiables pour renforcer la résilience énergétique de l’Europe.
Enfin, le rapport plaide pour une harmonisation des règles de trading et une surveillance accrue des marchés énergétiques pour limiter les comportements spéculatifs qui amplifient les risques économiques pour l’Europe. Une politique gazière cohérente, combinée à une régulation rigoureuse, est essentielle pour garantir la stabilité des prix et la sécurité énergétique sur le long terme.