
Alors que les importations européennes de gaz naturel liquéfié (GNL) enregistrent une forte baisse, l’Europe se retrouve coincée entre réalités du marché et engagements diplomatiques controversés. Une dynamique qui illustre les tensions entre offre, demande et stratégie énergétique globale.
Recul saisonnier et pression asiatique sur les importations européennes de GNL
Les importations européennes de GNL ont chuté de 29 % la semaine dernière, atteignant 2,3 milliards de mètres cubes (Gm³), contre 3,2 Gm³ la semaine précédente, selon des données préliminaires publiées lundi par Kpler. Il s’agit du deuxième niveau le plus bas enregistré en huit mois, Turquie incluse.
Cette baisse s’inscrit dans une tendance saisonnière classique. « Les importations ralentissent généralement pendant les mois d’été », explique Samuel Good, responsable de la recherche GNL chez LSEG. Ce ralentissement est accentué par des maintenances dans plusieurs terminaux de liquéfaction, qui ont limité l’offre disponible.
James Voyle, analyste GNL chez Affinity, souligne également que « les importations européennes enregistrent régulièrement une baisse entre juin et juillet ». Cette tendance est aggravée par une forte demande asiatique, dopée par une vague de chaleur qui a fait bondir les prix en Asie. « L’un des principaux facteurs expliquant ce recul est la forte demande en Asie de l’Est due aux vagues de chaleur », précise Sinan Ozcan, responsable de l’analyse gaz chez Icis. À titre d’exemple, le contrat JKM de référence en Asie pour septembre a atteint 11,88 $/MMbtu (soit 34,56 €/MWh), contre 32,13 €/MWh pour le contrat TTF européen.
Dans ce contexte, les importations européennes de GNL devraient légèrement rebondir cette semaine (+7 %, à 2,5 Gm³), bien que la tendance globale reste à la baisse depuis le début du mois (-12 % par rapport à juin). Néanmoins, elles demeurent 31 % au-dessus des niveaux de juillet 2024. Selon James Voyle, « ces volumes élevés d’importations devraient rester soutenus pour le reste de l’année », afin de reconstituer les stocks en prévision de l’hiver. Un maintien de la prime asiatique pourrait toutefois compromettre cet objectif. « En cas de prime de prix asiatique soutenue, les objectifs européens de stockage de gaz seraient intenables », avertit Samuel Good, tout en relativisant la probabilité de ce scénario.
Un accord énergétique UE–EU jugé irréaliste
En parallèle de ces évolutions de marché, un accord entre l’Union européenne et les États-Unis fait polémique. L’Europe s’est engagée dimanche à acheter pour 750 milliards de dollars d’énergie américaine sur trois ans. Une annonce vivement critiquée par plusieurs experts. « La Maison-Blanche a un problème avec les chiffres, et apparemment la Commission européenne aussi – ou elle n’a pas osé contredire le président Trump », ironise Anne-Sophie Corbeau, chercheuse à l’université de Columbia. Selon elle, cet engagement impliquerait un triplement des volumes actuels d’importations d’énergie américaine, ce qui semble peu crédible.
Le scepticisme est partagé par Samuel Good : « Il n’existe aucun mécanisme permettant de contraindre les fournisseurs de GNL américains à livrer leur production aux terminaux européens », affirme-t-il. De plus, la capacité d’exportation disponible aux États-Unis est déjà largement engagée contractuellement. Même dans un scénario maximal, où l’Europe importerait la totalité des volumes de GNL américain disponibles dans les 12 mois à venir, cela ne représenterait que la moitié des 250 milliards de dollars annuels nécessaires. Et ce, en supposant un prix de vente à 10 $/MMbtu (29,1 €/MWh), selon les calculs de Samuel Good.
Cet accord soulève donc de nombreuses interrogations, autant sur sa faisabilité que sur sa pertinence économique. En somme, entre contraintes structurelles et considérations politiques, l’approvisionnement énergétique européen reste soumis à de fortes incertitudes.
Titulaire d’un Master II en journalisme, Giovanni DJOSSOU a œuvré en tant que journaliste de presse écrite dans différents journaux et magazines pendant plus d’une décennie.
Spécialisé dans le secteur de l’énergie depuis 2023, il a la charge de la rédaction d’articles, de la conduite d’interviews ainsi que de la création de programmes pour Opéra Energie.