Face à sa dépendance croissante au GNL américain, l'Europe se doit de trouver des alternatives pour diversifier sont approvisionnement.
L'Europe a importé 32 millions de tonnes de GNL américain, soit 74 % des exportations américaines - un bond de 49 % par rapport à l’année précédente.

Entre dépendance croissante GNL américain et impératif de diversification de ses approvisionnements, l’Europe peine à définir une stratégie cohérente. Bruxelles tergiverse, tandis que les acteurs économiques s’impatientent face à une instabilité des marchés devenue structurelle.

Entre Washington et Bruxelles : des intérêts pas toujours alignés

Les discussions se prolongent à Bruxelles : faut-il intensifier les achats de gaz américain ou miser davantage sur la diversification des sources ? L’Union européenne, qui s’est engagée à rompre avec le gaz russe d’ici à 2027, est aujourd’hui fortement dépendante du gaz naturel liquéfié (GNL) en provenance des États-Unis.

Durant les cinq premiers mois de l’année, l’Europe a importé 32 millions de tonnes de GNL américain, soit 74 % des exportations américaines, selon Kpler — un bond de 49 % par rapport à l’année précédente. Ces volumes représentent près de la moitié des importations européennes de GNL, un signe fort d’interdépendance. Pourtant, des divergences demeurent. « Plus les volumes entrent, plus cela aide les Européens, qui peuvent montrer leur bonne foi dans les négociations. Mais ce qui intéresse l’administration américaine, c’est la valeur. Or, les prix sont moins élevés qu’en 2023 », analyse Marc-Antoine Eyl-Mazzega, directeur du centre énergie et climat de l’Institut français des relations internationales (Ifri).

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Cette dépendance inquiète certains experts. « Les achats de GNL ne sont pas aux mains de la Commission, qui n’a d’ailleurs rien fait pour les encourager, mais d’acteurs privés », souligne Didier Holleaux, spécialiste du secteur énergétique. Il appelle à une diversification accrue, notamment vers le Qatar. À Bruxelles, les options sur la table — achats groupés ou contrats pour différence — peinent à convaincre ou à se concrétiser.

L’Europe risque ainsi de rester tributaire du marché spot, exposée à la volatilité des prix et aux retournements de la politique américaine. « Si le problème devient politique, l’administration Trump est tout à fait capable de limiter les exportations », prévient Marc-Antoine Eyl-Mazzega. Une telle décision ferait bondir les prix du gaz et pourrait entraîner des pénuries.

Un marché mondial instable, entre stratégie commerciale et aléas climatiques

Les États-Unis ont, eux aussi, besoin de l’Europe. Si la demande en GNL progresse en Inde et en Asie du Sud-Est, ces régions ne peuvent rivaliser avec les prix européens. Le gaz y reste en concurrence directe avec le charbon, bien moins coûteux. Quant à la Chine, elle a cessé ses importations de GNL américain depuis le début de la guerre commerciale et module ses achats selon ses besoins ponctuels — notamment climatiques.

Ironiquement, ce sont peut-être les dérèglements climatiques qui pourraient relancer la demande mondiale. Le Japon, deuxième importateur mondial de GNL, anticipe un été caniculaire. Son géant énergétique Jera a d’ailleurs récemment signé un contrat avec les producteurs américains Sempra et Cheniere. Mais cette demande reste fragile, soumise aux aléas météorologiques et économiques.

Le constat est sans appel : la volatilité du marché du GNL s’installe durablement, nourrie par l’incertitude politique, la fragmentation des intérêts commerciaux et les chocs climatiques. « Ce n’est pas forcément une bonne nouvelle pour les prix et pour l’Europe », conclut Marc-Antoine Eyl-Mazzega. Face à cette instabilité, l’Union européenne devra rapidement clarifier sa stratégie gazière si elle veut éviter une nouvelle crise énergétique.

Source : Les Echos

Giovanni Djossou, journaliste spécialisé
Giovanni Djossou Journaliste spécialisé

Titulaire d’un Master II en journalisme, Giovanni DJOSSOU a œuvré en tant que journaliste de presse écrite dans différents journaux et magazines pendant plus d’une décennie.
Spécialisé dans le secteur de l’énergie depuis 2023, il a la charge de la rédaction d’articles, de la conduite d’interviews ainsi que de la création de programmes pour Opéra Energie.