La Guyane vise un mix 100 % renouvelable dès 2027 pour ses communes reliées au réseau, et l’autonomie complète d’ici 2030.
en 2022, 73 % du mix électrique de la Guyane était d'origines renouvelables.

La Guyane veut marquer un tournant historique dans sa politique énergétique en visant un mix 100 % renouvelable dès 2027 pour ses communes reliées au réseau, et l’autonomie complète d’ici 2030. Mais cette ambition verte s’appuie paradoxalement sur une méga-centrale au biocarburant importé, suscitant débats et critiques.

Projet EDF : une centrale fonctionnant à la biomasse

La Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) de Guyane, récemment soumise à concertation, affiche une ambition forte : atteindre une production électrique totalement décarbonée d’ici 2027 pour les communes du littoral, et viser l’autonomie énergétique en 2030. Le département français, non interconnecté au réseau électrique continental, bénéficie d’un fort potentiel renouvelable. Fin 2022, 73 % de son mix électrique provenait déjà des énergies renouvelables, principalement solaire et hydraulique, selon un rapport parlementaire de 2023.

700 millions d’euros Soit le coût de la centrale du Larivot, infrastructure de 120 MW fonctionnant à la biomasse liquide, mise en service en 2026.

Pour sécuriser cette trajectoire, EDF mettra en service dès 2026 la centrale du Larivot, une infrastructure de 120 MW fonctionnant à la biomasse liquide, principalement à base de colza importé. Ce projet de 700 millions d’euros, en construction près de Cayenne, a pour mission de stabiliser le réseau et remplacer la vétuste centrale de Dégrad-des-Cannes, fortement émettrice de CO₂. Mais ce choix technologique suscite des critiques. « Nous nous réjouissons d’avoir une PPE 100 % énergies renouvelables, c’est une performance à saluer dans les zones non interconnectées », affirme Arnaud Flament, représentant régional du Syndicat des énergies renouvelables (SER), avant de nuancer : « On pense que l’on aurait pu aller beaucoup plus loin en intégrant davantage de sources d’électricité renouvelables endogènes […] et ainsi limiter l’utilisation des bioliquides importés à leur strict minimum ».

Une planification à long terme, entre promesses locales et dépendance extérieure

La PPE guyanaise constitue l’outil stratégique de planification énergétique sur 5 ans, avec une vision jusqu’à 2033. Elle prévoit notamment une hausse significative de la capacité solaire (+61 MW), de la biomasse solide (+10 MW), de la valorisation énergétique des déchets (+6,9 à +12,9 MW) et de l’éolien (+20 MW sous réserve d’un accord avec l’armée). Ces efforts s’inscrivent dans le contexte d’une croissance démographique dynamique relevée par l’Insee.

Cela dit, la centrale du Larivot reste la pièce maîtresse du dispositif de sécurisation du réseau. « L’essence de cette centrale est de faire en sorte qu’il n’y ait plus de black-out », souligne Pierre Cazelles, chef du département transition énergétique à la Collectivité territoriale de Guyane. Il précise qu’elle ne doit servir que de soutien : « Elle produira aussi, le temps que des projets ENR sortent de terre ». D’ici 2033, le Larivot devrait représenter entre 15 % et 35 % du mix énergétique, si tous les projets prévus dans la PPE voient le jour.

Cette dépendance temporaire à une énergie importée freine certains acteurs privés. Début mars, TotalEnergies a retiré son projet de ferme solaire « Maya » de 20 MW, invoquant « l’absence de besoin en moyens additionnels de production de puissance pilotable » autour de Cayenne, en lien avec l’arrivée de la centrale du Larivot.

Le Syndicat des énergies renouvelables regrette que ce choix stratégique vienne freiner l’essor de solutions locales. Un paradoxe qui pose la question du véritable degré de souveraineté énergétique que la Guyane pourra atteindre d’ici 2030.

Source : AFP

Giovanni Djossou, journaliste spécialisé
Giovanni Djossou Journaliste spécialisé

Titulaire d’un Master II en journalisme, Giovanni DJOSSOU a œuvré en tant que journaliste de presse écrite dans différents journaux et magazines pendant plus d’une décennie.
Spécialisé dans le secteur de l’énergie depuis 2023, il a la charge de la rédaction d’articles, de la conduite d’interviews ainsi que de la création de programmes pour Opéra Energie.