Hydrogène blanc : une révolution pour l’industrie ?
En mai dernier, d’importantes réserves d’hydrogène blanc ont été découvertes dans le sous-sol lorrain, ouvrant en France le débat sur l’opportunité que constitue ce gaz pour l’industrie. Une aubaine qui pourrait changer la donne dans l’hexagone comme dans le reste du monde.
Qu’est-ce que l’hydrogène blanc ?
Ce sont des chercheurs lorrains du CNRS qui ont détecté les réserves d’hydrogène blanc autour du puit de Folschviller, en Moselle. Et la découverte n’est pas anecdotique : le sous-sol contient quelque 46 milliards de tonnes soit 50% de la production annuelle mondiale d’hydrogène. Une découverte qui pourrait transformer l’industrie française.
Notons que la découverte fut le fruit du hasard. Le gisement a été repéré dans le cadre de recherches sur l’étude du méthane, présent en grandes quantités dans le sous-sol lorrain.
Pour comprendre l’aspect potentiellement révolutionnaire de cette trouvaille, il est essentiel de comprendre les caractéristiques de ce gaz. L’hydrogène blanc, appelé également « hydrogène natif » ou « hydrogène naturel ». Le gaz se forme de trois manières possibles :
- Lorsqu’une réaction d’oxydoréduction altère des métaux qui contiennent du fer au niveau hydrothermal.
- Lorsqu’une eau à forte teneur en plutonium ou uranium subit une radiolyse.
- Lorsqu’un rayonnement ionisant cause la rupture de molécules de H20, libérait l’hydrogène.
Contrairement à l’hydrogène vert ou le gris, l’hydrogène naturel n’a pas besoin de séparation par électrolyse ou de vaporeformage. Il est utilisable tel quel.
Une aubaine pour l’industrie
Cet hydrogène d’un autre genre se trouve un peu partout sur la planète. Dans les puits naturels (où il est souvent mélangé à l’azote et l’hélium), et dans les sources océaniques (où il est néanmoins dur à extraire). « Il y a des concentrations élevées [d’hydrogène blanc], souvent en tant que gaz majeur. (…) Il est beaucoup plus abondant dans la nature qu’on ne le pensait auparavant », précise France Hydrogène, la fédération réunissant les acteurs français de l’hydrogène (grands groupes, PME-PMI, start-ups etc.).
En France, en plus du gisement récemment révélé, d’autres sites existent dans la Drôme, la Côte-d’Or, le Cotentin et les Pyrénées.
Un site dans le monde sert de cobaye depuis une décennie, désormais. Depuis 2012, l’entreprise canadienne Hydroma exploite le gisement de Bourakébougou, à 60 km de Bamako, au Mali. L’hydrogène blanc alimente tout le village en électricité -par combustion directe du gaz, dans un premier temps, puis par la pile à combustible. « Eux, qui n’avaient pas d’électricité et utilisaient des bougies et des lampes à huile ont aujourd’hui de l’éclairage public. Les enfants s’amusent en sécurité et les grands révisent leurs leçons sous cette lumière. Cela a contribué à améliorer les notes à l’école », témoigne Aliou Diallo PDG d’Hydroma, dans Les Echos.
Selon Yannick Peysson, chercheur spécialisé dans les énergies nouvelles à l’IFPEN* : « Le cas du Mali a provoqué un changement de perspective. La réalité concrète de cette observation a changé la donne ».
Au printemps 2022, le gouvernement français a inscrit l’hydrogène blanc dans le code minier, rendant possible l’exploration de la ressource. Ainsi, des demandes de permis d’exploration ont été officiellement formulées pour les sites des Pyrénées-Atlantiques, de l’Ain et du Puy-de-Dôme.
Pour l’industrie, ce gaz présente plusieurs avantages, à commencer par le coût. Le coût de production de la phase industrielle est d’environ 0,5€ le kilo, sans subventions. A titre de comparaison, le coût de production de l’hydrogène vert est de 10€ le kilo avec subventions. « Les cash cost [sic] sont vraiment bas. Que ce soit en source d’énergie ou en vecteur de stockage, c’est plus économique que toutes les autres sources existantes expérimentées depuis des décennies », appuie Aliou Diallo.
Ensuite, ce gaz a pour lui de servir les objectifs de décarbonation de l’économie, sa production n’émettant pas de CO2 ou ne demandant pas des techniques discutées comme la fracturation hydraulique pour le gaz de schiste. « L’hydrogène naturel pourrait être une brique supplémentaire permettant d’augmenter le potentiel de décarbonation que permet l’hydrogène pour de nombreux usages », selon France Hydrogène.
Aujourd’hui, une quarantaine d’entreprises dans le monde explorent les sous-sols à la recherche d’hydrogène naturel. La course à l’hydrogène blanc est lancée dans l’automobile, le ferroviaire et l’aviation.
*IFPEN : Institut Français du Pétrole – Energies Nouvelles