Hydrogène français (2/2) : le marché pas favorable à l’industrie
L’un des grands défis de la transition énergétique en France réside dans la décarbonation de l’industrie. Alors que l’on pouvait espérer que l’hydrogène y joue un rôle majeur, ce n’est pas le cas, pour l’heure.
« Le marché est moins sûr qu’on ne le pensait »
L’industrie est le 3e secteur émettant le plus de gaz à effet de serre après les transports et le résidentiel et a pour objectif de réduire de 45% ses émissions d’ici 2030. Pour ce faire, il faut repenser l’intégralité de la chaine de valeur, particulièrement dans la métallurgie, la chimie, les produits minéraux (non métalliques) et le raffinage – quatre domaines qui représentent 78% des émissions directes dans l’industrie.
Pour répondre aux besoins de l’industrie, l’hydrogène décarboné est une solution envisagée mais la demande se fait attendre. « Le marché est moins sûr qu’on ne le pensait », admet Catherine MacGregor, directrice générale d’Engie, qui précise, dans les colonnes de l’Usine Nouvelle, que plusieurs projets ont été annulés en conséquence. En d’autres termes, le marché n’est pas prêt pour l’hydrogène. « Les applications qui vont décoller le plus vite sont celles qui existent déjà, avec de l’hydrogène gris qu’on replace par du vert, comme la production d’ammoniac », ajoute Catherine MacGregor.
D’autres écueils expliquent la difficulté de l’hydrogène à s’imposer. D’abord, le passage à l’échelle des électrolyseurs pour des unités de plusieurs dizaines de GW est plus compliqué que ne l’envisageaient les industriels. Ensuite, l’accord sur la régulation des prix de l’électricité post-Arenh n’assure pas assez de visibilité. Or, le prix de l’électricité représente 50% des coûts de production de l’hydrogène par électrolyse. « La clé, c’est d’avoir de l’électricité décarbonée en abondance. Mais à 100 euros le mégawattheure, il n’y aura pas d’hydrogène en France », prévient la directrice générale d’Engie.
Une trop forte concurrence
40 pays à travers le globe ont mis sur pied des stratégies pour déployer l’hydrogène. Parmi eux, certains ont des objectifs d’exportation, comme les Etats-Unis, le Maroc, l’Arabie Saoudite, l’Australie, la Norvège, le Chili. La Chine, elle, représente la moitié des capacités d’électrolyse dans le monde. Face à cela, la France se verra contrainte d’importer de l’hydrogène. « Le recours aux importations d’hydrogène décarboné à moyen terme pourrait présenter des opportunités en complément de la production nationale, dans une économie ouverte », se résout le gouvernement.
L’Etat a chargé l’Inspection générale des finance, l’Inspection générale de l’Environnement et du Développement durable, ainsi que le Conseil général de l’économie d’analyser « l’opportunité et les modalités d’importation » d’hydrogène en France.
Les industriels ne pouvant attendre le take off de la demande nationale, l’Etat établira une diplomatie hydrogène française à l’international. Il créera une subvention aux investissements, en 2024, pour soutenir directement l’installation d’équipements français. Mais une France indépendante sur l’hydrogène n’aura pas lieu.