Simon Jolly-Esseiva

Simon Jolly-Esseiva, maître d’œuvre et associé gérant du cabinet DPS Maîtrise d’œuvre décrit pour Opéra Energie le DPE collectif et individuel, son évolution, ainsi que les aides à disposition des copropriétaires : MaPrimeRénov’ et EcoRénov. Il nous offre sa perspective sur le calendrier des rénovations imposé par l’Etat. Enfin, il nous dresse un état des lieux des rénovations dans le bâtiment dans l’agglomération lyonnaise.

Opéra Energie : Pouvez-vous décrire, pour nos lecteurs, le métier de maître d’œuvre ?

Simon Jolly-Esseiva : Dans l’esprit des gens, le maître d’œuvre fait dans la construction avant tout. Il monte des immeubles. C’est l’aspect le plus reconnu dans notre métier, effectivement. Maître d’œuvre c’est aussi la rénovation. C’est dans l’air du temps, à l’heure où les permis de construire sont très limités, comme ici, à Lyon.

OE : Pouvez-vous nous en dire plus sur votre société, le cabinet DPS ?

SJE : Dans le groupe DPS nous faisons de la rénovation exclusivement pour le privé. Il s’agit essentiellement de régies. Nos activités se répartissent sur trois secteurs. Le premier concerne l’après-sinistres, le renforcement du bâtiment ancien. Ensuite, il y aura le secteur de l’entretien du bâtiment ancien, comme nos façades de la place Bellecour. Il va s’agir de façades en pierre, de matériaux traditionnels, des entretiens et des embellissements de cage d’escalier etc. Enfin, le secteur qui va nous intéresser aujourd’hui, à savoir les rénovations énergétiques en copropriétés.

En maitrise d’œuvre, nous concevons le cahier des charges, c’est-à-dire qu’on décrit les travaux nécessaires et on les quantifie. Nous consultons les entreprises pour avoir une phase comparable la plus lisse possible permettant l’analyse au juste prix. Puis, nous avons une partie de suivi d’opération pour s’assurer que ce qu’on a décrit et chiffré au préalable se réalise bien sur place, avec les bons matériaux, dans le bon délai, dans la bonne exécution, par rapport aux garanties.

Dans le groupe DPS, il n’y a pas que de la maîtrise d’œuvre. Nous avons également une ingénierie structure qui nous sert, pour le pôle sinistre, pour les redimensionnements de plancher, par exemple. On a des thermiciens, pour la partie audit énergétique et maîtrise d’œuvre sur les chaufferies et ventilation. Ensuite, on a un pôle diagnostiqueurs, dans les diagnostics avant-travaux et les DPE effectués par notre filiale DPSD, qu’il s’agisse de DPE individuels ou collectifs.

OE : Eclairez-nous sur ce qu’est le DPE.

SJE : Le diagnostic de performance énergétique étant un sujet relativement nouveau, les gens ont souvent des questions et ne savent pas toujours ce qu’ils doivent faire. Aujourd’hui, quand on est propriétaire, lors d’un achat ou d’une mise en vente, on doit obtenir ou faire réaliser (selon notre position) ce diagnostic de performance énergétique individuel. Or, c’est ici que les choses se complexifient quelque peu car cette performance sera influencée par des éléments extérieurs au logement. Dans une même copropriété, à surfaces identiques, on peut avoir des diagnostics de performance énergétique qui ne sont pas les mêmes, car un logement au rez-de-chaussée, au dernier étage ou contre les pignons du bâtiment sera forcément moins bien noté qu’un logement se situant dans l’hypercentre de la copropriété et bénéficiant du chauffage du voisin de droite, de gauche, du dessus, du dessous. Donc, lorsqu’on a un appartement situé aux extrémités, on ne peut pas compter sur les seuls travaux individuels pour faire performer son appartement. On va être obligé de compter sur les travaux généraux de la copropriété pour rénover la toiture, mettre un plus gros isolant, isoler ses façades, isoler ses planchers, qui sont des parties communes, mais qui ont un impact direct sur son logement. C’est ainsi que les liaisons entre DPE individuel et collectif commence à se faire – mais nous y reviendrons plus tard.

Les autres critères qui détermineront le DPE sont la surface, la manière dont on produit son chauffage, son eau chaude sanitaire, comment on ventile son logement et comment on l’isole (murs, façades, performance des fenêtres etc.). C’est donc un état des lieux qui permet de cocher un certain nombre de cases et permet d’attribuer une étiquette énergétique au logement.

On nous demande moins de DPE pour des raisons de mise en vente. En revanche, les DPE pour des raisons de conservation d’un bien en location, représentent 80% de notre activité.

OE : Y a-t-il un profil qui se dégage parmi les demandeurs de DPE ?

SJE : Pas vraiment. Il y a deux raisons pour lesquelles on a recours au DPE : d’abord lorsqu’on est propriétaire et qu’on décide de vendre son bien. Il est obligatoire de fournir un DPE au notaire sinon la vente est bloquée. Ce profil-là ne vient pas à nous par intérêt mais par obligation. Ensuite, lorsqu’on est propriétaire bailleur. En tant que bailleur, il faut vérifier que son appartement ne soit pas classé F ou G. Si c’est le cas, il faut s’employer à faire des travaux pour remonter dans les étiquettes énergétiques et favoriser ainsi la location du bien. Et parmi les deux profils présentés, les propriétaires bailleurs sont les premiers consommateurs de DPE devant les propriétaires classiques.

OE : Pourquoi ?

SJE : On sait qu’aujourd’hui le marché immobilier est malheureusement un peu fermé.  L’augmentation des taux d’intérêt couplée et la chute de l’immobilier font que les vendeurs n’arrivent pas à vendre au prix. Les ventes étant bloquées, on nous demande moins de DPE pour des raisons de mise en vente. En revanche, les DPE pour des raisons de conservation d’un bien en location, représentent 80% de notre activité.

OE : Combien de temps prend un DPE, de la prise de contact à l’attribution finale de l’étiquette ?

SJE : Pour réaliser un DPE nous allons nous déplacer sur site, réaliser un complément de diagnostic, schématiser l’appartement, le passer au logiciel 3CL. Mais il faut préciser que c’est une prestation qu’on ne fait pas seul. Le propriétaire doit, en amont nous fournir toutes les données nécessaires. Si l’on part du postulat que le propriétaire y met du sien en fournissant tous les documents, un DPE pour un appartement de 40m² prendra entre 2 et 3 jours en heures cumulées.

OE : Vous nous précisez : « si le propriétaire y met du sien ». Qu’entendez-vous par-là ?

SJE : Avant, dans certains cas, l’opérateur ne prenait pas le temps d’entrer les bonnes données. Cela était dû au fait que le propriétaire ne lui fournissait pas les bonnes informations. Cela arrive encore, aujourd’hui mais, il y a une évolution. Avant, les propriétaires ne voyaient pas l’intérêt d’un tel document, ils le comprennent mieux aujourd’hui lorsqu’ils passent par la case vente. On nous donne de plus en plus d’informations. Il faut que les propriétaires assument leur bien et qu’ils sachent un minimum garder des documents. Si on change sa chaudière ou ses fenêtres, on garde la facture et les données techniques. Cette précaution évite de mauvaises surprises lorsqu’on se déplace et tout le monde gagne du temps.

OE : Le coût du DPE varie selon la surface ?

SJE : Oui. Notre tarification est fournie à nos clients, du T1 au T6. Plus l’appartement est grand, plus il y a de travail, mais cela ne va pas du simple au triple non plus.

Si la copropriété a une étiquette F ou G, vous savez qu’en plus de l’achat sec de l’appartement, il y aura, dans les années à suivre, des obligations de travaux sur les parties communes qui vont donner une quote-part d’investissement pour le propriétaire.

OE : Le cheminement que vous nous avez décrit concernait les DPE individuels. En est-il de même pour les DPE collectifs ?

SJE : Le DPE collectif a été mis en place par l’Etat afin que les copropriétaires aient une vraie mise en valeur de leur bien. Le DPE collectif fournit une étiquette représentant la moyenne de la copropriété. Il est donc complémentaire du DPE individuel. Mettons qu’un immeuble ait une étiquette D, (c’est d’ailleurs l’étiquette moyenne à Lyon) : si, par les travaux qu’on a effectué dans son logement, on obtient une étiquette supérieure à D, il est bon de présenter les deux documents. Votre étiquette individuelle montrera que vous avez investi pour que votre logement soit au-dessus de la moyenne. C’est un avantage à la vente et la location.

La différence avec le DPE individuel c’est qu’on ne va pas uniquement aller chercher des données sur ce qui s’est fait dans les appartements, on va également regarder ce que le syndicat de copropriétaires a fait sur l’enveloppe globale. Est-ce qu’on a isolé ou pas les façades par l’extérieur ? Est-ce qu’on a isolé sa toiture ? Est-ce qu’on a isolé des planchers ? Est-ce qu’on a fait des rénovations de chauffage ou de ventilation ou on est venu performer dans l’utilisation des matériaux ? Cela va permettre d’extraire de cet état des lieux de parties communes, l’étiquette de l’immeuble. Nous allons donc travailler avec le syndicat de copropriétaires qui devra nous fournir le carnet d’entretien de la copropriété dans lequel figurent les travaux faits depuis des années et qui va nous permettre, avant de nous déplacer, d’assurer la récupération de données. Si jamais on n’a pas de carnet d’entretien, c’est là que le diagnostic prend bien plus de temps. Il va falloir aller vérifier par nous-même les éléments un à un, comme le matériau utilisé pour l’isolation, par exemple. Le DPE collectif est devenu essentiel car, lors d’une vente, le notaire va demander au propriétaire de l’appartement de fournir le DPE individuel et le collectif, ce qui alertera l’acquéreur sur où en est la copropriété. Car si la copropriété a une étiquette F ou G, vous savez qu’en plus de l’achat sec de l’appartement, il y aura, dans les années à suivre, des obligations de travaux sur les parties communes qui vont donner une quote-part d’investissement pour le propriétaire.

OE : De la même manière, le coût du DPE collectif dépend du nombre de lots ?

SJE : Il y a deux critères qui vont entrer en ligne de compte. Le nombre de lots tout d’abord, effectivement. Puis, le nombre de bâtiments. Exemple : Le coût du DPE sera moindre pour une copropriété de 100 logements dans une barre d’immeuble, qu’une copropriété de 100 logements répartis dans trois bâtiments. Pourquoi ? Parce que les recherches seront plus importantes dans le second cas. On peut avoir des travaux qui ne sont pas faits de la même manière sur les trois bâtiments, il y aura trois vérifications différentes, et un diagnostic sur trois bâtiments.

OE : Début 2024, un rapport du Conseil d’analyse économique (CAE) questionnait la fiabilité du DPE, en pointant du doigt les biais de calcul défavorisant les petites surfaces, en montrant les écarts entre consommation théorique et consommation réelle ; ou encore, en concluant que la consommation dépendait davantage du niveau de revenus que du type de logement. De votre position, est-ce que vous partagez ce constat ?

SJE :  Jusqu’ici, la méthode de calcul handicapait les surfaces inférieures à 40m². Nous, diagnostiqueurs, étions obligés de nous contraindre à ce système. Mais, un arrêté du 25 mars 2024 est paru et a modifié les modalités de calcul sur les seuils des DPE inférieurs à 40m². L’eau chaude sanitaire était le principal point d’achoppement. Sur la production d’eau chaude sanitaire, le même coefficient était appliqué, selon que l’appartement faisait 20m² ou 70m². Forcément, on amortit mieux sur 70 que sur 20. Cet ajustement a permis à 140 000 logements de sortir du statut de passoire énergétique. Il faut voir du le long terme, dans 6 ou 7 mois, les réels effets de cette correction.

OE : Autre problème constaté, notamment par les syndics de copropriétés : le calendrier des obligations de rénovation. Les logements G ne pourront plus être vendus ou loués au 1er janvier 2025, en 2028 pour les F, en 2034 pour les E. La cadence est-il trop rapide, selon vous ?

SJE : Oui et non. A l’échelle nationale, c’est extrêmement rapide. La réalité fait qu’on n’y sera pas. Mais il faut voir ce calendrier comme une trajectoire donnée, plus que comme une imposition ferme. L’avantage de ce calendrier est qu’il permet à l’Etat de nous rappeler à nos obligations de consommation nationale, de nous conformer aux décrets européens et de mettre les acteurs en ordre de marche. Le temps que les gens sachent ce qu’est un DPE, que les professionnels soient formés pour les réaliser et que les syndicats de copropriétés prennent leurs décisions en Assemblées générales. Entre le moment où l’instruction est donnée et celui où les choses se mettent en place, beaucoup de temps s’écoule, même en y mettant de la bonne volonté. Si nous avions jusqu’à 2050 pour se conformer, il ne se passerait rien jusqu’en 2049 et tout le monde chercherait à s’ajuster dans les 12 derniers mois. Ce tempo serré est donc un avantage.

C’est positif de sortir ces étiquettes G et F du marché. Dans un appartement G, il fait froid en hiver, très chaud en été. Il faut responsabiliser les propriétaires bailleurs vis-à-vis de leurs locataires. Quant aux propriétaires habitants, il faut les alerter sur la surconsommation que ce soit pour leur portefeuille ou pour l’environnement. On a vu, durant la crise, que l’électricité a fortement augmentée. Concernant le gaz, les aléas géopolitiques de ces deux dernières années ont montré que nous n’étions pas maître du prix et qu’il valait mieux avoir des bâtiments qui consomment le moins possible. Là-dessus, nous avons la main.

OE : On peut comprendre que le coût des rénovations soit source d’inquiétude.

 SJE : Au début, ça fait toujours mal parce qu’on a l’impression de mettre des sommes importantes sur la table. Mais nous sommes dans un domaine où le taux d’amortissement est assez rapide. Aujourd’hui, sur un chantier en copropriété, les moyennes d’amortissement sont entre 15 et 20 ans sur un bâtiment qui date des années 1970. C’est rapide.

OE : Passons aux coûts de rénovation. Mettons, pour un T3 de 60m² classé G, est-ce possible de donner un coût approximatif des rénovations ?

SJE : On nous pose tous les jours la question. La finalité pour le client, à chaque rendez-vous, est de savoir « combien ça va me coûter ? ». Or, si un professionnel vous répond : « Monsieur, rénover un T3 va coûter tant », il faut se méfier. Chaque appartement a son état des lieux. C’est le diagnostic qui va nous aiguiller et déterminer le prix. L’appartement « 1 » devra changer la chaudière, le « 2 » devra changer les fenêtres, le « 3 » le système de ventilation, le « 4 » devra isoler les murs. Parfois, nous réalisons des travaux pour 3 000 € parce que le propriétaire à bien mené son appartement et il ne reste que quelques détails à régler. Et nous avons aussi le cas du propriétaire qui n’a rien fait pendant des années pour qui la rénovation coûtera 25 000 €. Mais, encore une fois, il ne faut pas croire à l’existence d’un prix constant pour le DPE individuel, car il ne correspond à aucune réalité.

Pour ce qui est du DPE collectif, on peut arriver à donner une moyenne, parce que les travaux, dans ce cas sont souvent les mêmes : j’isole mes façades, j’isole ma toiture, j’isole mes planchers, je refais ma ventilation, je change ma chaudière ou je me raccorde au chauffage urbain, je pose des panneaux solaires. Voilà les six travaux les plus courants. 20 000 € sera la moyenne réaliste du coût des travaux, dans Lyon et ses alentours.

OE : Dans les rénovations individuelles, quels sont les travaux qui reviennent le plus souvent ?

SJE : Il y a un « Top 3 » des travaux les plus courants. D’abord, il y a les fenêtres car elles sont l’élément le plus déterminant de la consommation d’un appartement. On remplace le simple vitrage par du double vitrage. En deuxième position, il y a la production d’eau chaude sanitaire ou la production de chauffage. Là, on va retirer les cumulus ou les anciennes chaudières pour les remplacer soit par des chaudières à condensation, soit par un système de production d’eau chaude thermodynamique. Enfin, en troisième position, on aura l’isolation des murs. Cela ne sert à rien d’avoir du double vitrage très performant si on a un mur en pierre, glacial. C’est le combo double vitrage -isolation des murs qui fait la différence.

Je me permets d’ajouter un numéro 4 bonus : le renouvellement d’air. Souvent, les logements sont en ventilation naturelle, c’est-à-dire que les gens n’ont pas de mécanisation de circulation. Si on avait à doubler des murs, mettre des fenêtres en double vitrage, ne pas avoir une ventilation mécanique qui permet d’avoir un débit constant, peut créer d’importants sinistres de condensation dans les logements. Par ailleurs, ventiler naturellement c’est aussi une grosse déperdition énergétique. Donc, une bonne ventilation c’est performer sur l’étiquette énergétique et s’ajouter du confort via une bonne qualité d’air.

OE : Abordons, pour finir, la question des aides à la rénovation. Quelles sont les différences entre MaPrimeRénov’ et EcoRénov’ ?

SJE : MaPrimeRénov’ est une aide nationale. Pour pouvoir prétendre à ses subventions, il y a un cahier des charges à remplir. Il faut une équipe de maîtrise d’œuvre complète ainsi qu’un AMO (assistant maîtrise d’ouvrage), qui accompagnera les copropriétaires dans un certain nombre de choix. L’accession à MaPrimeRénov’ sera également conditionnée à l’efficacité des travaux. L’amélioration énergétique de la consommation de chauffage sur la copropriété devra être d’au moins 35%. Cette aide sera en moyenne de 3 000 € par logement sur Lyon et sa région.

Quant a EcoRénov’, elle concerne les habitants de la métropole de Lyon, exclusivement. Ce programme très utile pour les copropriétés qui ne fonctionnent pas via des systèmes collectifs de chauffage et/ou de ventilation -et donc ne peuvent que difficilement optimiser leurs performances. La métropole va subventionner des travaux pour une amélioration énergétique de 25% minimum. Il y a une subvention de base qui est complétée par des options. Par exemple, si on choisit des matériaux mieux sourcés, comme la fibre de bois en façade, des subventions supplémentaires seront délivrées. Idem pour tout ce qui apportera du confort l’été : les protections solaires (brise-soleil etc.). Dans le cas de l’EcoRenov’ -tout comme pour MaPrimeRénov’- il faut un AMO, une équipe de maîtrise d’œuvre, pour prétendre aux subventions.

Avec les mono-chantiers, nous arrivions à des améliorations de consommation entre 10% et 15%. Aujourd’hui, avec les rénovations multi-lots, nous performons au-delà des 50%, parfois.

OE : Très récemment, l’Anah (l’Agence nationale de l’habitat) a publié les chiffres de rénovations sur le premier trimestre 2024. Chiffres qu’elle qualifie de « très mauvais », avec une contraction de 43% des rénovations par rapport a T1 2023. A-t-on une idée de la raison de cette chute des résultats ?

SJE : Précisons d’abord qu’il s’agit d’une analyse à l’échelle nationale. Car sur Lyon, les chiffres de l’ALEC (Agence locale de l’énergie) présentent une courbe croissante. Ce qui peut expliquer ce ralentissement des rénovations à l’échelle nationale c’est l’économie actuelle, les taux qui sont plus hauts, une économie dans le bâtiment en délicatesse, des propriétaires qui ont moins les moyens d’investir dans des travaux, malgré les aides mises en place. Nous, à Lyon, en mobilisant, MaPrimeRénov’ et EcoRénov’, les subventions peuvent représenter jusqu’à 45% de l’enveloppe totale des travaux. Ensuite, c’est une question de calcul. Soit, les copropriétaires saisissent l’opportunité présentée par les subventions et investissent immédiatement dans des travaux avec une réduction du coût pouvant aller jusqu’à -45% ; soit ils financent la totalité des travaux qu’ils seront, quoiqu’il arrive, obligés d’entreprendre dans les 10 années à venir. Mais, compte tenu du niveau des subventions, je pense que les propriétaires ont tout intérêt à amorcer leurs travaux dès maintenant. C’est ce qui fait qu’à Lyon, on est à des centaines de dossiers de rénovation qui sont, toujours selon l’ALEC, encore en progression sur 2024.

Element important qu’il ne faut pas oublier : 2024 est l’année où les copropriétaires paient la note de l’augmentation des coûts de l’énergie. La crise de l’énergie et la guerre en Ukraine ont fait monter le prix de la calorie à environ 200 € pendant que les copropriétaires payaient entre 20 € et 30 €. Or, le rééquilibrage arrive cette année. Nous avons des copropriétaires qui ont été régulés à plus de 80 000 €, c’est énorme. Ce paramètre est à la fois un frein et une motivation pour les propriétaires. Un frein car il faut passer à la caisse ; une motivation à réaliser les travaux nécessaires pour diminuer la consommation des logements et des bâtiments.

OE : En début d’année, l’Etat voulait opter pour une stratégie privilégiant les rénovations d’ampleur, au détriment de ce qu’il appelait les « mono-gestes », avant de se rétracter, face au mécontentement d’une partie du secteur. (La Fédération française du bâtiment estimait, par exemple, que cette initiative avait considérablement ralenti les chantiers). Comprenez-vous cette rétractation ?

SJE :  Sur ce sujet, des visions et des intérêts entrent en collusion. Pour l’Etat, nous sommes en retard sur les rénovations énergétiques. Son souhait est de grandement accélérer les choses, pour atteindre les objectifs fixés pour 2030. C’est bien de ne faire que l’isolation thermique de ses façades, que l’isolation de son toit, mais pour l’Etat, ces mono-chantiers ne permettent pas de rattraper le retard. Or, le seul moyen de performer rapidement, ce sont des rénovations d’envergure. Et cela se vérifie dans notre activité. Avant, avec les mono-chantiers, nous arrivions à des améliorations de consommation entre 10% et 15%. Aujourd’hui, avec les rénovations multi-lots, nous performons au-delà des 50%, parfois. Pour la Fédération du bâtiment, à l’inverse, chaque chantier compte. Pour elle, faire le choix des rénovations d’envergure, c’est synonyme de chantiers en moins. Et des chantiers en moins, cela signifie des entreprises qui tournent au ralenti et des emplois en moins. On peut les comprendre. Il faut savoir qu’un dossier pour un chantier en multi-lots met deux ans avant de sortir.

Cela étant dit, encore une fois, cette question ne concerne pas Lyon et sa région. Lorsqu’on a expliqué aux copropriétaires que les travaux de rénovation ne seraient bientôt plus déductibles des impôts ; lorsqu’on nous a demandé de ne plus fonctionner à l’unité mais de voir la performance globale d’un bâtiment ; ça a été entendu. Et cette vision est pertinente. Si on ne change que le toit, par exemple, cela ne concerne que les habitants du dernier étage. Donc, on trouve une stratégie grâce à laquelle on va être performant de manière plus homogène afin d’intégrer tout le monde dans le projet. Enfin, La question des charges annuelles est importante, également. L’abaissement des charges sur un chantier multi-lots est bien plus représentatif que sur un mono-chantier.

OE : Auriez-vous un dernier conseil à l’attention des copropriétaires ?

SJE : D’abord, il faut sortir du mot « obligation » et aller au-delà. Il ne faut pas regarder le DPE, l’audit énergétique, et toutes ces mesures comme des contraintes mais comme des bases solides de fondation de son dossier. Ensuite, il faut s’entourer des bons professionnels qui ont beaucoup de retours d’expériences dans ce domaine. Il faut s’appuyer sur son syndic de copropriété pour trouver les professionnels en question. C’est un pas psychologique à faire, mais il ne faut pas hésiter à y aller, profiter des subventions mobilisables. Cela nous permettra d’avoir, dans quelques années, un panel immobilier français plus performant que ce qu’on a aujourd’hui.

Propos recueillis par Giovanni DJOSSOU pour Opéra Energie

Giovanni Djossou, journaliste spécialisé
Giovanni Djossou
Journaliste spécialisé

Titulaire d’un Master II en journalisme, Giovanni DJOSSOU a œuvré en tant que journaliste pigiste, en presse écrite, auprès de différents journaux et magazines.
Intéressé par les questions liées à l’énergie, il a la charge de la rédaction d’articles et de brèves pour Opéra Energie.