Les industriels européens se tournent vers les Etats-Unis
Une étude montre que pour la première fois les investissements industriels européens sont supérieurs dans la région « Amériques » qu’en Europe. Une tendance qui pourrait s’accentuer à l’avenir.
De 10,8% en 2016 à 26,3% en 2024
Début décembre, le 9e baromètre mondial des investissements industriels, réalisé conjointement par Trendeo, McKinsey et l’Institut de la réindustrialisation, révèle qu’en 2024 (de janvier à fin octobre) les investissements industriels européens aux Amériques (37%) étaient supérieurs aux investissements en Europe (Union européenne + Royaume-Uni) (33%).
Les industriels européens ont une propension plus grande que leur concurrence à investir hors de leur région. 44% des montants européens dédiés à l’industrie sont destinés à des projets hors Europe ; alors que seuls 24% des montants étasuniens sont investis hors Etats-Unis ; et 15% pour la Chine.
Lorsqu’on observe la destinations des investissements industriels européens sur les 8 dernières années, on constate une grande évolution. Si la part des investissements à l’intérieure de l’UE a progressé, passant de 14,3% en 2016 à 28,9% lors des dix premiers mois de 2024, elle a moins rapidement évolué que celle consacrée aux Etats-Unis (de 10,8% à 26,3% sur la même période). Les investissements dans le reste de l’Europe (hors UE, donc) ont, eux, chuté considérablement, passant de 25,9% à 3,7%. En revanche, les investissements en Amérique (hors Etats-Unis) ont aussi augmenté : de 6,4% à 11%.
L’Inflation Reduction Act, source de l’attractivité étasunienne
D’après l’étude, les Etats-Unis sont devenus en 2024, la première destination des investissements industriels mondiaux. L’Union Européenne se place en deuxième position ; l’Inde complète le podium, pendant que la Chine – qui poursuit son décrochage, se classe quatrième.
La raison de l’attractivité grandissante des Etats-Unis se trouve dans l’Inflation Reduction Act, érigé par l’administration Biden en août 2022. Cette loi a parmi l’établissement de crédits d’impôts avantageux qui ont attiré des investissements manufacturiers ; mais également une politique offensive dans la production d’énergie qui a fait baisser les prix. D’après Hugues Lavendier, directeur associé chez McKinsey, cette tendance est amenée à s’accentuer : « Il est probable que cela s’accélère avec le deuxième mandat de Donald Trump, même si le coût d’entrée sur le marché américain reste élevé pour les Européens. Les entreprises sont en train de regarder très précisément l’impact de nouvelles barrières douanières sur leurs coûts et pourraient décider de localiser aux Etats-Unis la production de tel ou tel composant pour en contenir la progression ».
Chute de 10% des investissements en France
Quid de la situation française ? Alors que les investissements industriels en France étaient en progression linéaire depuis plusieurs années : +18% par an de 2016 à 2023 (passant de 11 milliards d’euros d’investissement à 36 milliards d’euros), ils vont chuter de 10% à l’issue de l’année 2024, selon les prévisions de Trendeo (à 32 milliards d’euros). Une perte nette de 15 usines est envisagée cette année car les investissement ne compensent pas le ralentissement des industries manufacturières comme la métallurgie et la pharmacie. « On devrait revenir à un solde négatif sur le plan des ouvertures d’usines, ce qui n’était pas arrivé en France depuis la période 2015-2016 », prévient dans les colonnes des Echos, David Coustier, Directeur général de Trendeo.
Néanmoins, la baisse des investissements en France est moins prononcée que dans le reste du monde. Trendeo prévoit une contraction de 26% des sommes investies par les industriels à travers le globe. Cela dit, toutes les filières du secteur industriel ne partagent pas le même sort. Les investissements dans data centers et l’énergie connaissent une hausse significative, pendant que ceux dans la chimie et les équipements électriques chutent. « On est dans un tassement global, pas dans une catastrophe », rassure David Coustier.