Le prix du pétrole flambe, et celui du gaz ?
Ces dernières semaines, les prix du baril ont été lourdement affectés par une prime de risque géopolitique. A l’inverse, les cours du gaz ont retrouvé leurs niveaux de 2021. N’y-a-t-il donc pas de lien entre ces deux marchés ?
Quand le pétrole orientait les cours du gaz
Avant l’ouverture à la concurrence du marché du gaz, le prix du gaz était fortement lié à celui du pétrole. Cela tient au fait que le gaz naturel soit souvent un sous-produit de l’extraction pétrolière. Ensuite, avant l’apparition des grandes places d’échange physique de gaz naturel européennes, la majorité des contrats long terme gaz était indexée sur les prix pétroliers, du fait de la substituabilité des deux produits et de leurs dérivés. Il existait ainsi forme d’arbitrage entre les différentes sources d’énergie, notamment entre le gaz naturel et le mazout pour le chauffage résidentiel, entre le fioul lourd et le gaz naturel pour les process industriels, et dans certains cas, entre le charbon et le gaz naturel pour la production d’électricité.
Puis, peu à peu, l’essor des marchés de gros du naturel a permis aux prix des contrats long terme de s’aligner avec les indices des marchés de gaz naturel. Attention, le prix du gaz naturel européen n’est cependant pas complètement détaché des fluctuations du complexe énergétique mondial, du fait notamment de l’importance croissante du GNL.
Gaz et pétrole évoluent de manière indépendante
Récemment les tensions géopolitiques au Moyen-Orient ont poussé les cours du pétrole à la hausse, sans que cela n’impacte les cours du gaz. Les prix du gaz naturel ont même retrouvé leurs niveaux de l’été 2021 et témoignent de la résilience de l’Europe face à la crise énergétique.
Palliant l’absence de gaz russe, le Vieux Continent s’est tourné vers des alternatives énergétiques, a mis en œuvre de nouvelles infrastructures dédiées au soutien du gaz naturel liquéfié (GNL) et a accéléré le développement des énergies renouvelables.
Concomitamment, la consommation de gaz naturel a chuté d’environ 20% en raison d’une baisse de la demande dans le secteur industriel, influencée par l’augmentation des coûts, et à la faveur de deux hivers consécutifs particulièrement doux, qui ont amoindri les besoins de chauffage.
L’Europe sort de l’hiver 2023/2024 avec un niveau de stockage de gaz qui n’a jamais été aussi élevé.
Les prix du gaz pourraient-ils encore baisser ?
Les compagnies énergétiques américaine ont intensifié la production de gaz naturel liquéfié et planifient d’élargir leurs capacités dans les années à venir. L’interruption récente décrétée par le président Biden sur les projets naissants devrait avoir un impact limité à court terme, compte tenu du temps nécessaire, estimé entre cinq et dix ans, pour que ces initiatives atteignent leur phase opérationnelle.
En parallèle, sur le marché du chauffage, le développement des énergies renouvelables gagne du terrain, poussé par les incitations gouvernementales, par une plus grande appétence des consommateurs et par des progrès techniques qui réduisent les coûts. Côté industrie, les Etats poussent à la décarbonation et la demande reste faible.
Tout concourt à une baisse de la consommation de gaz et donc à orienter les prix vers le bas.
Oui, mais… Le gaz devrait cependant conserver une place prépondérante, et ce malgré le développement des énergies vertes et du nucléaire. En Asie, qui est le plus grand importateur de GNL, la substitution du charbon par le gaz n’en est en effet qu’à ses balbutiements. Par ailleurs, les datas centers et l’IA sont autant de secteurs en plein essor qui se tournent vers le gaz naturel pour répondre à leurs besoins énergétiques. Enfin, les prix du gaz ne peuvent pas être en-dessous du coût marginal de production des fournisseurs américains.