Les leviers de la décarbonation de l’industrie et du bâtiment
La neutralité carbone d’ici 2050 reste l’objectif à atteindre. La décarbonation dans l’industrie et le bâtiment sera un élément essentiel pour réaliser cet objectif. L’efficacité énergétique, l’électrification et la numérisation des données pourraient s’avérer en être les principaux leviers.
Efficacité énergétique
Selon une étude de la Banque de France, menée en 2022, 19% des entreprises du secteur manufacturier s’estiment exposées aux risques climatiques de transition (sanctions judiciaires, contraintes réglementaires, risques réputationnel) et 6% aux risques physiques (arrêts des activités, accidents, surcoûts). Ces mêmes entreprises seraient prêtes à consacrer 1,2% de leur chiffre d’affaires à la décarbonation -contre 0,6% aujourd’hui.
L’efficacité énergétique constitue le pilier du plan de sobriété énergétique d’Agnès Pannier-Runacher, qui a récemment rappelé les entreprises à leur devoir, en la matière.
« Efficacité énergétique ou sobriété, les grands industriels électro-intensifs sont déjà au taquet sur ces sujets. Dans l’industrie, nous avons déjà l’habitude d’optimiser et de réduire les coûts », explique Vincent Moulin Wright, directeur de France Industrie. Pour lui, les gisements les plus importants se situent dans les PME, PMI, « très contraintes par le signal des prix ».
Mi-juin 2023, les feuilles de route pour la décarbonation de 50 sites représentant 55% des émissions de CO2 de l’industrie française ont été présentées au gouvernement.
L’écueil de l’électrification
Selon Vincent Moulin Wright : « la décarbonation dans l’industrie passera avant tout par l’électrification et la modification des process de production ». Pourtant, une inquiétude subsiste quant à la capacité à produire assez d’électricité : « Produira-t-on, à terme, suffisamment d’électricité décarbonée pour répondre à tous les besoins des industriels ? », s’interroge Vincent Moulin Wright dans les Echos, qui craint « un mur de l’énergie pouvant retarder la vitesse de la décarbonation ». Préoccupation partagée par Sven Rösner, directeur de l’Office Franco-Allemand pour la Transition Energétique, interrogé par Opera Energie : « Il faut se donner beaucoup plus de moyens. Il faut être plus ouvert sur la question de la génération d’électricité et sur la consommation. La consommation d’électricité sera telle qu’elle ne pourra pas être fournie par les ressources que nous aurons en 2050 ».
En juin, RTE annonçait que la France consommera plus d’électricité que prévu en 2035 et devra doubler sa production d’électricité d’origine renouvelable pour atteindre les objectifs de climat et de décarbonation. La consommation devrait s’établir entre 580 et 640 TWh en 2035 contre 459 TWh en 2022, soit un rythme supérieur à 10 TWh par an sur la période 2025-2035. « Un rythme qui n’a plu été atteint depuis les années 1980 et met en évidence l’ampleur du défi auquel le système électrique français est confronté », précise RTE.
Le numérique dans le bâtiment
Selon la CRE, seuls 6% des bâtiments tertiaires de surfaces supérieure à 1 000 m² abritent des outils digitaux favorisant l’efficacité énergétique.
Le lancement au début d’année 2023, d’un outil numérique permettra d’accélérer et de massifier le processus de transition énergétique. Ce « jumeau numérique du bâtiment », mis sur pied par le chercheur en science du management de l’environnement et des énergies Jonathan Villot, permet de répertorier les données informatiques sur 21 millions de bâtiments du patrimoine bâti résidentiel en France. 250 données par logement, qu’il s’agisse du DPE, du m² etc. accessibles sur tout bâtiment résidentiel. « Donner aux acteurs des territoires, notamment les acteurs publics, la capacité d’être proactifs dans leurs objectifs de transition et de rénovation du bâti, en structurant des paniers de rénovation pertinents sur la base de données techniques, énergétiques, sociologiques, économiques », précise Jonathan Villot, dans Les Echos.
Par ailleurs, ces objectifs pourront être facilités par le cadre réglementaire, qu’il s’agisse de l’Eco Energie Tertiaire ou du décret BACS* obligeant à la mise en place d’un mécanisme d’automatisation et de contrôle dans la majorité des bâtiments tertiaires.
*Building Automation & Control System