Malgré ses ambitions d’indépendance énergétique, l’Union européenne reste liée aux flux gaziers en provenance de Russie.
Vladimir Poutine et Alexei Miller PDG de Gazprom.

Malgré ses ambitions d’indépendance énergétique, l’Union européenne reste liée aux flux gaziers en provenance de Russie. L’architecture actuelle des importations, combinée à l’opacité de certaines pratiques de revente, rend illusoire une exclusion complète à court terme.

Du gaz russe dissimulé dans des mélanges en Turquie

L’idée d’une coupure totale des importations de gaz russe vers l’Europe d’ici 2027 est jugée peu réaliste par de nombreux experts. Selon plusieurs analystes interrogés par Montel, cela nécessiterait des mesures de rupture profondes, telles que la mise en place de routes d’approvisionnement alternatives, la fin des contrats à long terme avec Gazprom ou encore une volonté politique forte assortie de sanctions explicites.

Actuellement, environ 100 millions de mètres cubes (Mmᶾ) de gaz par jour continuent d’être importés depuis la Russie, dont 40 Mm³/j transitent via la Turquie par le gazoduc TurkStream. Le reste arrive sous forme de gaz naturel liquéfié (GNL). À ce sujet, « [La Turquie] mélange le gaz acheminé par gazoduc – principalement d’origine russe, azerbaïdjanaise et iranienne – avec du GNL en provenance des États-Unis, du Qatar, de l’Algérie », explique Athanasios Konstantopoulos, conseiller principal chez Arrow Resources. Mais en l’absence de traçabilité moléculaire, l’origine du gaz devient indiscernable une fois injecté dans le réseau turc.

Ce phénomène donne lieu à ce que l’analyste nomme un « mélange turc », une porte d’entrée officieuse mais légale pour le gaz russe en Europe. « Cela permet à la Turquie d’échanger et de réexporter légalement du gaz d’une manière qui dissimule son origine, contourne pratiquement toutes les sanctions potentielles de l’UE et permet à la Russie de conserver ses parts de marché – tout en restant techniquement légal dans le cadre juridique actuel », estime Konstantopoulos.

40 Mm³/j Soit la quantitité journalière de gaz russe destiné à l’UE transitant via la Turquie.

Vers des sanctions ciblées ?

Face à cette zone grise législative, certains experts envisagent une réponse juridique plus ferme. « Des sanctions pourraient viser ces entités [importateurs/exportateurs], si du gaz russe continue à pénétrer dans l’UE après 2027 », avertit Yuriy Onyshkiv, analyste chez LSEG à Kyiv, tout en appelant la Turquie à plus de vigilance. Il tempère néanmoins le risque : les volumes illégalement réexportés seraient « négligeables et sporadiques ».

Mais les mécanismes de contournement potentiels s’avèrent nombreux. « Il serait difficile de prouver toute infraction, et une interdiction de certains mélanges de gaz pourrait par exemple être contournée par un changement de nom ou de certification », confie Laszlo Fritsch, directeur commercial de MVM CEEnergy. Une autre source hongroise anonyme mentionne que des entreprises anticipent déjà les futures restrictions en signant des accords-cadres avec des fournisseurs turcs ou azerbaïdjanais.

Enfin, le flou juridique persiste du côté de TurkStream. « Nous ne sommes pas en mesure de commenter la possibilité d’une interdiction imposée par l’UE », a déclaré un porte-parole de South Stream Transport. Pourtant, la Commission européenne prévoit de présenter en juin des propositions législatives visant à interdire toute importation de gaz russe d’ici fin 2027, dans un effort assumé de ne plus contribuer au financement de la guerre en Ukraine.

Source : Montel

Giovanni Djossou, journaliste spécialisé
Giovanni Djossou Journaliste spécialisé

Titulaire d’un Master II en journalisme, Giovanni DJOSSOU a œuvré en tant que journaliste de presse écrite dans différents journaux et magazines pendant plus d’une décennie.
Spécialisé dans le secteur de l’énergie depuis 2023, il a la charge de la rédaction d’articles, de la conduite d’interviews ainsi que de la création de programmes pour Opéra Energie.