Nucléaire : coup d’envoi pour l’ASNR
Entrée en service le 1er janvier, l’ASNR est désormais la seule entité chargée de la sûreté nucléaire en France, bien que son organisation reste à finaliser.
L’ASNR pour accélérer les processus
« Autorité administrative indépendante, l’ASNR assure désormais, au nom de l’État, le contrôle des activités nucléaires civiles en France. Elle exerce également les missions de recherche, d’expertise, de formation et d’information des publics dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection ». C’est en ces termes qu’a été officialisé le lancement de l’ASNR via un communiqué le jeudi 2 janvier dernier. L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection naît de la fusion de l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) – l’expert scientifique de la sûreté et de l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire) – le gendarme chargé des décisions sur les centrales. Cette fusion décidée par l’Elysée en janvier 2023 et votée en avril 2024 avait, d’ailleurs, rencontré une vive opposition de la part des syndicats et des associations, s’inquiétant de voir reculer l’information du public sur le nucléaire et la séparation entre expertise et décision. Interrogé sur la question dans les colonnes du média d’Opéra Energie au printemps dernier, l’ingénieur qualité nucléaire Vincent Tatin, tout en comprenant les inquiétudes, assurait que cette opération se faisait essentiellement pour des questions de concurrence : « C’est toujours agréable d’avoir deux points de vue sur un problème, mais il faut considérer une chose : on a une concurrence assez rude. Les Etats-Unis, la Chine, la Russie, le Japon sont très bien placés dans la production d’énergie nucléaire. (…) Deux entités permettent un contrôle plus efficace mais avec un processus plus long. (…) Comme la fusion des deux organisations ne semble pas remettre en cause l’impartialité du contrôle, c’est une décision qui peut sembler sensée ».
L’ASNR aura une pile de dossiers cruciaux à gérer, entre la prolongation des centrales, le développement de mini-réacteurs, la construction de nouveaux réacteurs de grande puissance et l’avenir des installations du cycle du combustible. Avec plus de 2000 collaborateurs, elle représente la deuxième autorité de régulation nucléaire du monde, après la NRC (Nuclear Regulatory Commission) américaine.
Institution toujours en chantier
Malgré tout, des doutes subsistent quant au bon fonctionnement de l’institution – doutes toujours en lien avec la crainte d’une perte d’indépendance des experts ainsi qu’un manque de transparence vis-à-vis du public. Dans un communiqué, l’intersyndicale de l’IRSN a appelé à « la vigilance, plus que jamais, compte tenu des incertitudes sur le fonctionnement de l’ASNR au 2 janvier, des inquiétudes sur son règlement intérieur et d’une impasse budgétaire dès février », faute de loi de finances 2025. Le 17 décembre dernier, le CSE de l’IRSN rendait un avis défavorable sur le règlement intérieur de l’ASNR, régissant le fonctionnement de l’institution. Cet avis défavorable était motivé par l’absence de garanties d’indépendance entre l’expertise et la décision, tout comme le « principe de publication de l’ensemble des avis d’expertise », au nom de l’information du public.
Pierre-Marie Abadie, président de l’ASNR, assure de son côté que l’institution est « déjà pleinement opérationnelle » et que le règlement qui sera présenté le 16 janvier prochain « intégrera les remarques » issues de consultations de fin 2024. Il devra aussi présenter d’ici la fin du mois sa feuille de route aux personnels. « Nous n’aurons pas réponse à tout dès le premier jour, mais le cheminement que nous allons faire sera tout aussi important que le point d’arrivée », a-t-il souligné à l’AFP.