Alors que l’énergie nucléaire semblait reléguée au second plan pendant des décennies, un regain d’intérêt mondial s’observe : de la réactivation de centrales aux engagements massifs en faveur d’une nouvelle génération de réacteurs, le nucléaire revient au cœur des stratégies énergétiques mondiales.
+ 3,5 % de production et 70 milliards de dollars d’investissements : le nucléaire redémarre en 2025
Dans de nombreux pays, l’industrie nucléaire connaît une véritable renaissance. Selon le rapport 2025 de World Nuclear Association, la production mondiale d’électricité nucléaire a atteint un niveau record de 2 667 TWh. L’AIE prévoit une hausse de la production de +3,5 % en 2025. De surcroît, les dépenses mondiales pour la construction de nouveaux réacteurs et la rénovation des existants devraient dépasser les 70 milliards de dollards en 2025, après avoir augmenté de 50 % en cinq ans.
Aux États-Unis, un exemple emblématique de cette dynamique : le groupe Google LLC a annoncé un accord avec l’énergéticien NextEra Energy pour remettre en service, début 2029, la centrale nucléaire Duane Arnold (Iowa), abandonnée depuis 2020, afin d’alimenter ses infrastructures d’intelligence artificielle. Par ailleurs, un partenariat gouvernement-entreprise prévoit un investissement d’au moins 80 milliards de dollars pour de nouveaux réacteurs nucléaires conventionnels aux États-Unis.
Cette tendance est réellement mondiale : environ 70 réacteurs sont en construction dans 15 pays. La Chine, l’Inde et la Corée du Sud jouent désormais un rôle majeur dans cette relance. Selon une étude de Morgan Stanley Research, la capacité nucléaire globale pourrait passer de 398 GW aujourd’hui à 860 GW d’ici 2050, avec des investissements cumulés pouvant atteindre 2 200 milliards dollars.
Entre la montée de la demande électrique (notamment pour l’IA et les data-centers), la volonté de décarbonation et la recherche de souveraineté énergétique, le nucléaire recolle aux avant-postes.
+12 % d’emplois, +30 % d’achats prévus : un secteur en mobilisation industrielle
Ce renouveau s’accompagne d’un mouvement industriel et humain important. En France, le syndicat Gifen annonce une augmentation d’environ 12 % des équivalents temps plein dans la filière nucléaire, passant de 220 000 à 247 000 employés fin 2024.
Par ailleurs, les achats anticipés pour 2030 sont projetés en hausse de 30 %, à près de 16 milliards d’euros (contre 12 milliards en 2025) dans le secteur nucléaire français. Une forte dynamique de recrutement est engagée : l’objectif est de 100 000 nouveaux emplois d’ici dix ans, dont la moitié pour compenser les départs et l’autre moitié pour accroître l’activité. Deux-tiers des métiers visés sont techniques : maintenance, soudage, génie civil, ventilation, etc.
Mais l’enjeu ne s’arrête pas au recrutement : « il faut aussi garder les personnes dans des emplois techniques, qui demandent bien souvent une dizaine d’années d’expérience pour maîtriser le geste ou le calcul », souligne Marine Zilber, responsable du programme « Coach » du Gifen.
Cette mobilisation s’inscrit dans la perspective globale de faire du nucléaire un pilier structurel de la transition énergétique. Le secteur anticipe aussi une massification des achats sur dix ans, pouvant atteindre 162 milliards d’euros.
L’ensemble de ces éléments — montée des investissements, recrutement massif, relance industrielle — confirme que le nucléaire ne se contente plus seulement de revenir : il se réarme activement pour jouer un rôle majeur dans l’énergie mondiale. Que ce soit par la montée des capacités, par l’afflux de capitaux ou par l’essor de la filière industrielle et humaine, le nucléaire apparaît de nouveau comme une composante clé de la stratégie énergétique globale.
Titulaire d’un Master II en journalisme, Giovanni DJOSSOU a œuvré en tant que journaliste de presse écrite dans différents journaux et magazines pendant plus d’une décennie.
Spécialisé dans le secteur de l’énergie depuis 2023, il a la charge de la rédaction d’articles, de la conduite d’interviews ainsi que de la création de programmes pour Opéra Energie.