Face aux défenseurs des renouvelables, la coalition pro-nucléaire élargie, semble imposer sa vision dans les négociations énergétiques.
« l’Alliance européenne du nucléaire » gagne en influence au sein des institutions européennes.

Longtemps marginalisée, l’énergie nucléaire regagne du terrain au cœur de l’Union européenne. Face aux défenseurs des renouvelables, la France, à la tête d’une coalition pro-nucléaire élargie, semble imposer sa vision dans les négociations énergétiques et budgétaires à Bruxelles.

Pour la première fois, des financements européens alloués au nucléaire ?

À Bruxelles, le traditionnel affrontement entre la France et l’Allemagne sur les choix énergétiques semble évoluer. Portée par une coalition de plus en plus large, « l’Alliance européenne du nucléaire » gagne en influence au sein des institutions européennes.

Mi-juillet, un tournant s’est opéré : dans sa proposition de budget pluriannuel pour 2028-2034, la Commission européenne a discrètement laissé entendre que des financements européens pourraient, pour la première fois, être alloués au nucléaire. Bien que les détails restent flous, des domaines comme « la fission nucléaire », « la recherche », « le démantèlement des installations » ou encore « la gestion des déchets radioactifs » sont désormais considérés comme « potentiellement éligibles », selon un porte-parole de l’exécutif.

Un signal fort, d’autant plus que de nouveaux pays rejoignent la cause du nucléaire. Après la Belgique, l’Italie s’est ralliée à l’Alliance en juin, aux côtés de la Bulgarie, la Croatie, la Finlande, la Hongrie, les Pays-Bas, la Pologne, la République tchèque, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie et la Suède. La Grèce pourrait suivre.

« L’élargissement de l’Alliance rend le sujet un peu incontournable », explique Neil Makaroff, spécialiste de la transition climatique au think tank Strategic Perspectives. Ces pays souhaitent « rendre le nucléaire neutre politiquement », ajoute-t-il, là où il était encore récemment une ligne de fracture majeure au sein de l’Union.

47,3 % Soit la part des énergies renouvelables dans la production d’éléctricité en UE, en 2024. (selon Eurostat)
23,4 % Soit la parts du nucléaire dans la production d’éléctricité en UE, en 2024. (selon Eurostat)

Nucléaire – EnR : une « guerre de religion » vouée à persister ?

Face à cette montée en puissance du camp nucléaire, les « Amis des renouvelables », emmenés par l’Allemagne et l’Autriche, poursuivent leur propre mobilisation. Ils s’appuient sur une alliance comprenant l’Espagne, le Portugal, l’Irlande, le Danemark, le Luxembourg et les États baltes. À Bruxelles, chaque groupe organise ses réunions en marge des conseils ministériels de l’énergie.

Mais le paysage évolue. Le clivage entre les deux camps, qui s’apparentait à une « guerre de religion » selon les mots de Marc Ferracci, ministre français en charge de l’Énergie, tend à s’atténuer. La notion de « neutralité technologique », défendue par la France, gagne du terrain, notamment depuis que le chancelier allemand Friedrich Merz a cosigné avec Emmanuel Macron une tribune en mai appelant à « un traitement non discriminatoire de toutes les énergies bas carbone au sein de l’Union européenne ».

Pour autant, les désaccords persistent au sein même du gouvernement allemand, et la perspective d’un financement européen du nucléaire demeure source de tension. « Cela peut être potentiellement un sujet de conflit », avertit Neil Makaroff.

La bataille continue également sur le plan législatif. La France pousse pour une transformation de la directive européenne sur les énergies renouvelables en directive sur les « énergies décarbonées », incluant le nucléaire. Début juillet, elle a revendiqué une victoire symbolique : la mention explicite de la « neutralité technologique » dans une proposition de la Commission sur l’objectif climatique 2040.

Néanmoins, même les scénarios les plus favorables au nucléaire ne le placent pas en tête du mix énergétique à long terme. Selon Eurostat, en 2024, les énergies renouvelables représentaient 47,3 % de la production d’électricité dans l’UE, contre 23,4 % pour le nucléaire.

« À court terme, le gros du travail sur l’électrification passera par les renouvelables », rappelle Neil Makaroff, alors que la France reste régulièrement pointée du doigt par Bruxelles pour ses retards en matière d’éolien et de solaire.

Source : AFP

Giovanni Djossou, journaliste spécialisé
Giovanni Djossou Journaliste spécialisé

Titulaire d’un Master II en journalisme, Giovanni DJOSSOU a œuvré en tant que journaliste de presse écrite dans différents journaux et magazines pendant plus d’une décennie.
Spécialisé dans le secteur de l’énergie depuis 2023, il a la charge de la rédaction d’articles, de la conduite d’interviews ainsi que de la création de programmes pour Opéra Energie.