Post ARENH : la baisse des prix peut-elle rebattre les cartes autour de la régulation ?
Selon des sources industrielles et des experts interrogés par Reuters, la baisse des prix de l’électricité entrave la signature par EDF de contrats à long terme et pourrait contraindre le gouvernement à réviser ses projets de régulation afin d’assurer la couverture des coûts du parc nucléaire français.
La baisse des prix de l’électricité remet en question la régulation post ARENH
Après sa renationalisation complète en juin dernier, EDF s’apprête à dévoiler vendredi des résultats 2023 prometteurs, marquant potentiellement le début d’une réduction de sa dette de près de 65 milliards d’euros. Cette amélioration est attribuée aux augmentations de prix et à la reprise de la production dans ses centrales.
Malgré ces perspectives encourageantes, l’entreprise éprouve des difficultés à mettre en œuvre sa nouvelle politique commerciale, présentée comme le moyen de lui garantir des revenus adéquats tout en stabilisant les prix pour les consommateurs autour de 70 €/MWh sur 15 ans. En cause la baisse des prix de marché : ils ont chuté de plus de 30 euros en trois mois, s’établissant actuellement autour de 64 €/MWh pour 2026, année d’entrée en vigueur du nouveau dispositif réglementaire qui remplacera l’actuelle régulation de l’Arenh.
Selon une source interne à EDF, cette situation perturbe fortement le marché et les négociations tarifaires sont au point mort, les acteurs du marché adoptant une attitude attentiste. La même source remet en question la viabilité de négocier à 70 euros/MWh dans ce contexte et exprime des doutes quant à l’accord conclu avec le gouvernement sut le post ARENH en novembre dernier.
Cependant, bien que « les choses soient mal engagées », il n’y a pas d’alternative clairement définie à ce stade, a ajouté la source.
Bercy maintient ses positions
En réponse à des questions de Reuters, le ministère de l’Économie a affirmé que la réforme du marché français aiderait EDF à mieux gérer les fluctuations des prix et garantirait sa capacité à investir dans de nouveaux actifs de production d’électricité. Bercy a également confirmé qu’il n’y a pas de projet de venir en aide au groupe si les prix à terme chutaient en-dessous de 60 euros/MWh, alors que le coût complet du parc nucléaire français a été calculé par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) à 60,7 euros/MWh pour la période 2026-2030.
Selon certaines sources, une alternative au nouveau système proposé serait d’établir un prix plancher pour l’électricité nucléaire vendue par EDF, potentiellement via une régulation de type « Contrat pour différence » (Contract for difference). Cependant, cette approche nécessiterait l’approbation de Bruxelles.
Les incertitudes autour du post ARENH pèsent lourdement sur les industriels
Nicolas de Warren, président de l’Union des industries utilisatrices d’énergie (Uniden), a exprimé des inquiétudes quant à la lenteur des progrès dans ces réformes, déclarant : « Les choses n’avancent pas assez vite« .
Les membres de l’Union des industries utilisatrices d’énergie (Uniden) représentent environ 70% de la consommation énergétique industrielle en France. Parmi eux figurent des entreprises opérant dans divers secteurs tels que l’agroalimentaire, l’automobile, la chimie, la construction, les métaux, le papier, le transport et le verre.
Nicolas de Warren souligne que l’incertitude quant aux prix de l’électricité à partir de 2026 entrave certains investissements des membres de l’Uniden. Pourtant, le gouvernement vise à la fois une réindustrialisation du pays et une réduction des émissions de CO2, ce qui conduit à une augmentation de la demande en électricité. Il est essentiel pour ces industries de disposer de contrats stables, car elles ne peuvent pas fonctionner efficacement avec une volatilité croissante des prix du marché.
La nouvelle stratégie commerciale d’EDF ne porte pas ses fruits
EDF a mis en place une nouvelle approche commerciale, consistant à offrir aux industriels énergivores des « contrats pour allocation nucléaire » (CPAN) d’une durée minimale de 10 à 15 ans. Mais sa mise en œuvre s’avère complexe : elle implique en effet des paiements anticipés pouvant atteindre plusieurs centaines de millions d’euros et un partage des risques de production.
En parallèle, EDF a également lancé des appels d’offres pour des contrats à 4 ou 5 ans, destinés principalement à ses concurrents tels que Engie ou TotalEnergies. Mais ces appels d’offres n’ont pas trouvé leur public : depuis le début de l’année, seules douze des 54 enchères ont été fructueuses, et les prix n’ont pas dépassé les 70 euros/MWh.
Interrogé sur ces questions, EDF n’a pas souhaité faire de commentaires explique Reuters.
(Source © Reuters – 2024)