Pourquoi faut-il sécuriser ses contrats d’énergie avant cet été 2023 ?
Après des semaines marquées à la baisse, la récente remontée des prix du gaz comme de l’électricité rappelle que la crise de l’énergie n’est pas si ancienne et que rien n’est acquis.
Des raisons conjoncturelles à la nouvelle dynamique haussière
Coup de chaud sur l’approvisionnement en gaz ! Début juin, des prolongations de maintenances et des pannes sur les champs gaziers norvégiens sont venus soutenir les prix. Il faut dire que le gaz norvégien couvre 26 % des besoins en gaz du Vieux continent. Depuis le retrait des flux russes, le pays nordique s’est imposé comme le 1er fournisseur de gaz naturel en Europe. Du 31 mai au 30 juin, le Cal-24 gaz a ainsi enregistré une hausse de + 8,84 €/MWh.
Autre facteur de hausse : plusieurs prises d’achats par les acteurs avant les congés d’été.
Les raisons des augmentations de ces dernières semaines semblent donc plutôt conjoncturelles : cependant, la réaction immédiate des marchés témoigne de vraies inquiétudes structurelles.
De possibles nouvelles hausses à la fin de l’été
Les experts s’accordent à le dire : il est opportun de sécuriser ses contrats de gaz avant mi-août et de couvrir dès maintenant ses échéances lointaines.
Jusqu’à la fin de l’été les stocks de gaz vont continuer à se remplir, en raison notamment d’une faible demande. Cependant, plus on va se rapprocher de l’hiver, plus la demande de gaz journalière va s’accroitre. Par ailleurs, de nouvelles maintenances sont attendues du côté d’Oslo, prévues entre le 18 août et le 11 septembre. La Norvège est bien en peine de garantir que sa production n’en sera pas affectée pour une période plus longue. Enfin, aujourd’hui l’approvisionnement en GNL est confortable mais il faut noter que les besoins actuels sont moindres.
Qu’en sera-t-il à la sortie des congés estivaux ? Ainsi que l’a rappelé le patron de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) Fatih Birol dans une interview auprès de la BBC ce lundi 3 juillet : « Dans un scénario qui verrait une forte activité en Chine se traduisant par des achats massifs d’énergie sur les marchés, combinée à un hiver froid, la pression augmentera sur les prix du gaz ».
« Bien que le prix du gaz soit revenu au niveau qui était le sien avant le début de la manipulation gazière de Poutine (mi-2021), un rebond des prix à la sortie de l’été n’est pas à exclure en raison de la hausse de la demande en Europe et/ou en Chine, et du besoin de remplissage des stocks, étant entendu que les prix pour l’hiver 2024 demeurent encore élevés (entre 50 et 55€/MWh, contre 20 à 30€/MWh historiquement). » abonde encore L’Institut Jacques Delors.
Outre la concurrence Europe/ Asie, le nucléaire est aussi à surveiller : en cas d’indisponibilité du nucléaire en France, les centrales à gaz seront nécessairement plus sollicitées pour la production d’électricité.
Le nucléaire, la grande interrogation qui pèse sur les marchés de l’énergie
En Europe, la demande d’électricité reste faible. Les consommations d’électricité en France, Allemagne et en Belgique oscilleraient ainsi entre 4 et 7 % en dessous de leurs moyennes historiques. Les indices des activités industrielles sont en berne. A contrario, les productions solaires et éoliennes sont à de très hauts niveaux. Les stocks hydrauliques sont à nouveau remplis, même si la vigilance est toujours de mise avec les futures vagues de chaleur. Cette combinaison explique que les prix de l’électricité aient baissé depuis plusieurs semaines. Néanmoins, ils sont remontés dans le sillage des prix du gaz, preuve que les marchés continuent de douter.
L’absence de liquidités participe aussi à ce récent rebond des prix : sur juin, le Cal-24 a enregistré une hausse de + 14,54 €/MWh.
Surtout, les marchés intègrent une prime de risque sur les échéances lointaines, qui traduit les incertitudes autour du nucléaire. Lors du Forum Europ’Energies, le 4 juillet, les représentants d’Engie, de Vattenfall, de GazelEnergie et du Cleee ont à nouveau rappelé que leurs clients demandent de la visibilité sur le long terme. Ils s’inquiètent notamment de ce que rien n’est encore décidé pour 2026, alors que le mécanisme ARENH doit s’arrêter fin 2025 « Si la [présidence espagnole du Conseil de l’Union européenne] n’arrive pas à finaliser les négociations, il faudra à tout le moins prolonger l’Arenh », demande Frank Roubanovitch, président du Cleee. Bruno Le Maire a récemment annoncé que le cadre de régulation post-Arenh serait présenté « d’ici fin 2023 ».