
Face aux failles de la future programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE3), le député Raphaël Schellenberger appelle à une refonte profonde de la stratégie française. Entre manque de clarté légale, absence de vision structurée et urgence climatique, il alerte le gouvernement et propose des pistes concrètes.
Pas assez d’attention à l’électrification
La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE3), qui sera débattue à l’Assemblée nationale le 28 avril, cristallise les tensions autour de la stratégie énergétique française. Dans une lettre adressée au Premier ministre, Raphaël Schellenberger, député du Haut-Rhin et ancien président de la commission d’enquête sur la perte de souveraineté énergétique de la France, tire la sonnette d’alarme. Selon lui, la version actuelle du texte « ne répond ni aux attentes du pays ni à l’exigence du moment ».
Le député alsacien pointe un déficit de méthode dans l’élaboration de la PPE3 et un cadre légal devenu illisible. Bien que l’objectif de réduire la dépendance aux énergies fossiles soit partagé, les moyens pour y parvenir restent flous ou insuffisamment concertés. Le texte mise sur le développement d’énergies décarbonées — biogaz, géothermie, récupération de chaleur — mais ne consacre pas assez d’attention à l’électrification, pourtant centrale dans la stratégie de décarbonation.
Schellenberger plaide pour la création d’une commission parlementaire mixte composée de 25 députés et 15 sénateurs, capable d’exercer un véritable contrôle sur les choix énergétiques de l’État. Il rappelle que les enjeux sont trop lourds pour se contenter de déclarations politiques épisodiques.
Une plus grande valorisation du chauffage électrique dans les DPE
Dans sa lettre, le député avance cinq axes de transformation. Le premier concerne l’électrification des usages, en particulier dans l’industrie et le bâtiment. Il appelle à un prix de l’électron compétitif, des dispositifs cohérents et une valorisation plus juste du chauffage électrique dans les diagnostics de performance énergétique. Le passage au véhicule électrique, qu’il juge « sociétalement disruptif [sic]», nécessite également un accompagnement structuré.
Deuxième priorité : adapter la production à la demande. Schellenberger critique la logique actuelle de déploiement du solaire, qu’il qualifie de « passager clandestin », et recommande de l’associer systématiquement à des solutions de stockage. Il propose aussi de revoir le calendrier des appels d’offres pour l’éolien en mer et de clarifier le rôle du nucléaire. Les futurs EPR2 doivent selon lui garantir une part durable du nucléaire dans le mix énergétique, en complément du prolongement du parc existant au-delà de 60 ans.
Troisième levier : revoir l’ordre de priorité des sources d’énergie. Aujourd’hui, les énergies renouvelables sont privilégiées pour leur coût marginal, au détriment du nucléaire. Le député suggère de baser les priorités d’injection sur le bilan carbone, ce qui permettrait d’optimiser les centrales nucléaires et d’offrir une énergie compétitive aux industriels.
Enfin, Schellenberger insiste sur la nécessité d’accélérer le développement du stockage hydraulique, un sujet politiquement sensible. La France est en effet en infraction avec le règlement européen sur les concessions hydrauliques depuis 2014, et les discussions avec Bruxelles restent en cours.
« Il y a urgence à agir », martèle le député, inquiet de l’absence de cap clair. Pour lui, seule une stratégie lisible, pilotée et structurée autour de la décarbonation et de la souveraineté énergétique pourra répondre aux défis à venir.
Titulaire d’un Master II en journalisme, Giovanni DJOSSOU a œuvré en tant que journaliste de presse écrite dans différents journaux et magazines pendant plus d’une décennie.
Spécialisé dans le secteur de l’énergie depuis 2023, il a la charge de la rédaction d’articles, de la conduite d’interviews ainsi que de la création de programmes pour Opéra Energie.